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Guerre des opérateurs téléphoniques : premiers bilans après deux ans de conflit

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La guerre que se livrent depuis deux ans, les opérateurs de téléphonie mobile est l’un des plus violents conflits commerciaux qu’ait connu la France. Deux ans après l’ouverture des hostilités, les spécialistes tirent un premier bilan.

La guerre que se livrent depuis deux ans, les opérateurs de téléphonie mobile est l’un des plus violents conflits commerciaux qu’ait connu la France. On y retrouve des batailles de position, des généraux montant au front et des victimes. Deux ans après l’ouverture des hostilités, les spécialistes tirent un premier bilan.

26 février 2014, la guerre que se livrent en France les opérateurs de téléphonie connait un nouveau rebondissement. Bouygues Télécom, qui a subi la concurrence de plein fouet, se décide à contre-attaquer. Pour mener son offensive, l’opérateur choisit un nouveau terrain. Le combat se déplace du secteur des mobiles vers celui d’internet et de l’ADSL. Là où justement Free, celui par qui la guerre est arrivée, réalise ses meilleures marges. « La fête est finie », lance alors un Martin Bouygues jubilatoire. Bouygues annonce qu’il va proposer une offre triple-pay (ADSL+téléphone fixe+télévision) à 19,99 euros par mois. L’opérateur qui offrait auparavant ce service pour 31,90 euros, espère ainsi couper l’herbe sous les pieds de Free. La réplique de ce dernier ne se fait pas attendre. Une heure après l’annonce de Bouygues, Free fait passer son forfait triple-pay de 21,97 euros à 19,98 euros. Soit un centime de moins que Bouygues. Une manière d’affirmer qu’il restera l’opérateur le moins cher de France.

« Les opérateurs veulent vous gruger »

La guerre des opérateurs de téléphonie est l’un des plus violents combats économiques qu’ait connu l’Hexagone. Le conflit démarre officiellement le 10 janvier 2012. Free qui a obtenu la licence de quatrième opérateur mobile pour la 3G en décembre 2009, lance ce jour là, sa nouvelle offre. Xavier Niel, le patron de Free, chemise blanche ouverte, cheveux longs, jean décontracté, n’y va pas avec le dos de la cuillère.

« Jusqu’à présent vous avez été pris pour des vaches à lait »

« Jusqu’à présent vous avez été pris pour des vaches à lait », lance-t-il à l’adresse des clients de SFR, Orange et Bouygues. « Les opérateurs multiplient les forfaits compliqués pour vous gruger » continue-t-il. Le ton est volontairement provocateur. Il tranche avec le style feutré des habituelles conférences du grand patronnât français. Et l’offre commerciale est aussi agressive que les propos. Elle va tout simplement révolutionner la téléphonie mobile en France. Free propose un forfait à 19,99 euros par mois pour le téléphone mobile illimité, les SMS illimités et 3Go de communication internet. Aucun spécialiste du secteur n’aurait parié sur une offre en dessous la barre des 20 euros. C’est justement ce que réalise Free. Et pour appuyer son message, l’opérateur propose même un forfait avec une heure d’appel et 60 SMS au prix symbolique deux euros par mois.

Le coup est rude. Les concurrents de Free (Orange, SFR, Bouygues) avaient déjà anticipé l’arrivée du nouvel entrant. Ils avaient notamment réajusté leurs prix en proposant des offres « sim only » (sans engagement et sans appareil fourni) autour de 25 euros. L’annonce de Free les prend au dépourvu.

1,5 millions demandes de résiliation chez Orange

Bouygues Télécom va être le premier à s’aligner sur les prix de Free. C’est le plus petit des opérateurs et donc le plus fragile. Au cours de l’année 2012, Orange et SFR vont à leur tour réaménager leur offre pour rester concurrentiels. Mais le mal est fait. Free a réussi son pari. Dernier entrant sur le secteur de la téléphonie mobile, il en est devenu le chef d’orchestre. C’est lui qui donne le tempo. Et les clients suivent. En deux ans, Free Mobile a séduit 7,5 millions de consommateurs. Une réussite qui occasionne de sérieux dommages chez ses concurrents. Un mois à peine après le lancement de l’offre Free, Orange avait enregistré 1,5 millions demandes de résiliation. Quant à SFR et Bouygues, ils ont subi une baisse de 10% de leur chiffre d’affaires en 2013.

« Je n’ai pas payé le château si cher pour que des romanichels s’installent sur ma pelouse »

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Le conflit est si violent qu’il sollicite même la participation des généraux. Xavier Niel, Martin Bouygues et Stéphane Richard pour Orange, vont se livrer une guerre des petites phrases dont on a rarement eu l’exemple en France. C’est d’abord Xavier Niel qui après avoir traité les clients d’Orange, Bouygues et SFR de « vache à lait », enfonce le clou en parlant cette fois-ci de « pigeon ». Le terme va faire le buzz. Il vaudra au patron de Free d’être condamné suite à une plainte de Bouygues. Mais Martin Bouygues n’est pas en reste. « Le château m’a coûté une fortune, ce n’est pas pour que des romanichels viennent s’installer sur ma pelouse » lance-t-il à l’adresse du nouvel opérateur. Et quand il parle de Xavier Niel, ce n’est ni plus ni moins pour faire le portrait d’un escroc. Pour Martin Bouygues, Xavier Niel est celui livre des cloisons de 4 cm d’épaisseur quand le cahier des charges en prévoit 7. D’ailleurs Stéphane Richard ne dira pas autre chose en traitant Xavier Niel de bonimenteur. Ce à quoi Xavier Niel répliquera en parlant du manque d’expérience de Stéphane Richard. Seul SFR qui prépare la vente de ses actifs se tient alors en retrait.

7 milliards de pouvoir d’achat en plus

Deux ans après le début du conflit, l’heure est aux premiers bilans. Pour l’UFC « Que Choisir », le résultat de cette concurrence est incontestablement positif. Selon une étude de l’association, publiée en avril 2014, l’entrée de Free sur le marché des opérateurs mobiles a permis, en deux ans, un gain de 7 milliards d’euros de pouvoir d’achat pour les consommateurs. La facture moyenne des français est passée durant cette période de 25 euros à 16,90 euros par mois.

2000 licenciements chez Bouygues

Un point de vue qui est loin de faire l’unanimité. Selon l’IDATE (Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe) les pertes en terme de capacité d’investissement qu’enregistrent actuellement les opérateurs, vont faire une victime : la qualité de service. A terme, prévient cet institut, c’est le client qui devra payer la facture. D’autres analystes craignent la fragilisation des opérateurs français. Après la revente de SFR à Numéricâble, Bouygues qui s’était positionné pour le rachat de son concurrent, se retrouve en position de grande vulnérabilité. Certains pensent déjà à un rachat par un opérateur étranger (Telefonica, Vodaphone) ou peut-être même par Free. Une vague de licenciement serait en cours de planification chez Bouygues Télécom. On parle de 2000 surpressions d’emplois qui devraient intervenir avant l’été 2014. Le conflit fera alors ses premières victimes officielles.

Aujourd’hui, le combat marque une pause. Après l’épisode du rachat de SFR, il semble que les opérateurs pansent leur plaie et aiguisent leurs armes. Car une nouvelle bataille se profile déjà et elle a un nom : la 4G.