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La chirurgie esthétique au Brésil, un business culturel

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Le culte de la beauté est une institution au Brésil, c’est ainsi que la chirurgie esthétique est rentrée dans les mœurs et dans toutes les classes sociales.

Le culte de la beauté est une institution au Brésil, c’est ainsi que la chirurgie esthétique est rentrée dans les mœurs et dans toutes les classes sociales. L’essor du business des cliniques de chirurgie esthétique au Brésil a contribué à booster d’autres secteurs d’activité comme le crédit ou le tourisme.

Le 22ème congrès biannuel de l’International Society of Aesthetic Plastic Surgery (ISAPS) a eu lieu à Rio de Janeiro du 19 au 22 septembre 2014, réunissant plus de 1500 professionnels venus de 75 pays. Les nouvelles techniques, procédures et technologies de pointe y ont été présentées. L’occasion de se rendre compte de l’ampleur de la chirurgie esthétique au Brésil.

Le Dr Ivo Pitanguy pratiquant un lifting du visage. Sa clinique de Rio de Janeiro se spécialise dans la chirurgie plastique pour les personnes à faible revenu.

Le Dr Ivo Pitanguy pratiquant un lifting du visage. Sa clinique de Rio de Janeiro se spécialise dans la chirurgie plastique pour les personnes à faible revenu.

En 2013, le Brésil est passé au premier rang mondial avec 1,49 millions d’interventions, soit 13% du nombre total de chirurgies esthétiques dans le monde. Il reste néanmoins second derrière les Etats-Unis si l’on inclut les actes non chirurgicaux. Cela en raison de la fréquence de la pratique de la toxine botulique aux Etats-Unis (source ISAPS).

Avec le nombre accru de cas d’obésité et de surpoids, l’intervention la plus populaire en 2013 était la liposuccion avec 227896 opérations, soit 15,28% du nombre total de chirurgies, mais les interventions de la poitrine restent prédominantes (Figure 1).

La pratique de la chirurgie esthétique est plus importante dans la région Sudeste où la densité de population et le pouvoir d’achat sont plus élevés.

Aujourd’hui l’apparence physique dans la société brésilienne a une importance capitale, dans le cadre de la recherche d’emploi mais aussi dans les relations sociales. On a ainsi assisté à une augmentation significative des chirurgies de la face avec un accroissement record de 76% pour les rhinoplasties entre 2011 et 2013.

Le Dr Carlos Uebel, président de l’International Society of Aesthetic Surgery (ISAPS), qui a lui-même fait une liposuccion, précise que la pratique de la chirurgie esthétique est de plus en plus fréquente chez les hommes, cela dans le but de paraître plus jeune et de rester compétitifs sur le marché du travail.

Le business des cliniques esthétiques au Brésil

chirurgieLe nombre croissant de chirurgiens et de cliniques esthétiques au Brésil a fait chuter les prix des différentes interventions, pour exemple un lifting de la face coûte environ 8000$ à Rio de Janeiro pour 15000$ en moyenne en Californie. Environ 640 chirurgiens esthétiques exercent à Rio de Janeiro actuellement.

Des magazines spécialisés comme Plastica Beleza sont consacrés à la chirurgie esthétique et détaillent toutes les nouvelles procédures. De nombreux panneaux publicitaires habillaient les rues des principales villes. Mais si la publicité pour la chirurgie esthétique a longtemps été autorisée, elle est aujourd’hui interdite.

A Rio de Janeiro, l’Institut Ivo Pitanguy (du nom de son fondateur, chirurgien plasticien mondialement reconnu comme le « Maestro » de la chirurgie esthétique) pratique de nombreuses interventions gratuitement ou très peu onéreuses. Cet institut à vocation non lucrative dispense de nombreux enseignements dont des cours post doctorat, enseignants et élèves participent à de nombreuses publications scientifiques. Ivo Pitanguy y a formé 586 chirurgiens et en accueilli des milliers pour des formations de courte durée.

En 2012, 15% des patients avaient entre 14 et 18 ans. Il s’agit d’un phénomène récent et sur cette tranche d’âges le nombre d’interventions a augmenté de 140% entre 2008 et 2012. Les chirurgies les plus pratiquées chez les jeunes sont les opérations de la face, notamment la correction des oreilles décollées et les rhinoplasties.

30% moins chères qu’en Europe

Le tourisme esthétique au Brésil est très pratiqué en raison des tarifs très compétitifs des cliniques brésiliennes et de la renommée internationale de nombreux chirurgiens, surtout à Rio de Janeiro. Les interventions sont en moyenne 30% moins chères qu’en Europe.

Récemment l’ISAPS a émis une alerte concernant le tourisme esthétique au Brésil et les interventions pratiquées par des chirurgiens non licenciés par la Sociedade Brasileira de Cirurgia Plástica ou BSPS (Brazilian Society of Plastic Surgeons).

Le crédit pour la chirurgie esthétique dénoncé

Ce phénomène en a déclenché un autre : les crédits pour la chirurgie esthétique. Il s’agit généralement de crédits sur des périodes de 12 à 18 mois mais cela peut aller jusqu’à plusieurs années. Certains chirurgiens acceptent les cartes de crédit, beaucoup étalent le paiement en 3 à 5 mensualités.

A compter de 36 mensualités, ce sont des organismes de crédit qui interviennent. Cette pratique a été dénoncée il y a quatre ans par le Brazil’s Federal Medical Council à cause des forts taux d’intérêt appliqués par ces sociétés, la plupart du temps à des patients à faibles revenus.

Ce système existe également aux Etats-Unis où environ un tiers des interventions sont payées à crédit, notamment grâce aux Healthcare credit cards. Ces facilités de paiement sont en partie responsables de la situation de leaders mondiaux de la chirurgie esthétique du Brésil et des Etats-Unis.

Le business de la chirurgie esthétique en France

En 2013, classée 14ème au rang mondial, la France avait pour ce secteur un chiffre d’affaire de 3,571 milliards d’euros avec une augmentation qui était stable depuis 10 ans (+7%) et a chuté à -0,5% en raison de l’environnement économique (baisse de la consommation, pression fiscale sur les entreprises, augmentation du chômage, etc. Chiffres CNEP).

La France compte deux sociétés savantes dans ce domaine : la société française des chirurgiens esthétiques praticiens (SOFCEP) qualifiée par le Conseil national de l’Ordre des médecins, et la société française de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique (SOFCPRE) qui a une mission d’expertise scientifique pour tous les aspects de la profession.

Un accent est mis sur la chirurgie plastique reconstructrice, accessible car fréquemment financée partiellement ou en totalité par la sécurité sociale et la complémentaire santé.

Si la publicité reste interdite, l’Ordre des Médecins autorise les cliniques esthétiques à avoir un site Internet, à condition de respecter les règles de déontologie.

De nombreuses agences de voyage spécialisées dans le tourisme esthétique ont vu le jour ces dernières années. Des prestations jusqu’à -50% moins chères (voyage compris) qu’en France y sont proposées.

Les principales sociétés de crédit françaises proposent des financements pour la chirurgie esthétique (qualifiés de « crédit à la consommation »), malgré des taux d’intérêts la plupart du temps très élevés (12 à 20%), cette pratique commence à se démocratiser. Des organismes spécialisés tels qu’Esthétique Finance commencent à voir le jour. Le chirurgien peut également proposer un étalement en 3 mensualités mais cette pratique peut s’avérer problématique pour le praticien ou pour le patient (chèques impayés, problème des chèques antidatés,…).

En France, malgré l’apparition des crédits spécialisés et l’intérêt croissant que suscite la chirurgie esthétique, la croissance de ce secteur est quasiment nulle à négative en raison de la situation économique actuelle.

La chirurgie esthétique a connu un essor considérable au Brésil ces dernières années grâce à la qualité de la formation des chirurgiens, d’une pratique aujourd’hui ancrée dans les mœurs mais aussi de la possibilité pour tous d’y avoir accès, soit grâce à des prestations à bas prix, soit par le recours au crédit. Le développement de cette industrie l’a rendue compétitive et attire de nombreux patients étrangers. L’augmentation croissante de son développement est telle que le business de la chirurgie esthétique n’est plus considéré comme un indicateur de l’économie brésilienne.