Le Brésil secoué par l’énorme scandale de corruption Petrobras

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Le scandale de corruption Petrobras, dont l’affaire éclate en mars 2014, secoue les classes politiques et économiques brésiliennes. Les noms des principaux impliqués tombent les uns après les autres. Parmi eux, de nombreux politiciens encore sous mandat, tandis que la compagnie pétrolière s’effondre.

Maria das Graças Foster

L’entreprise pétrolière Petrobras, la plus grosse société du Brésil, septième économie mondiale et fierté des Brésiliens baigne dans un énorme scandale de corruption exponentiel. Dévoilé au grand jour en mars 2014 grâce à l’opération de police Lava Jato (lavage rapide), le scandale révèle un vaste système de corruption au sein de l’entreprise publique. Les plus influentes sociétés de construction du pays auraient signé de juteux contrats avec Petrobras grâce à des versements de pots-de-vin aux hauts dirigeants de l’entreprise pétrolière et de la classe politique au pouvoir, le PT (Parti des travailleurs). Le montant de ces dessous-de-table est estimé par la justice brésilienne à 4 milliards de dollars. La présidente Dilma Roussef affirme que « tous les dons en argents reçus par le Parti sont légaux ».

L’affaire prend cependant un tournant lorsque le 4 mars 2015, le Parquet du Brésil demande à la Cour Suprême d’ouvrir une enquête sur 54 personnes soupçonnées de corruption et blanchiment d’argent. Parmi eux, des politiciens en fonction, sur qui plane l’épée de Damoclès. Le procureur général Rodrigo Janot demande la levée du secret de l’instruction et souhaite rendre publics les noms des accusés. C’est chose faite le 6 mars au soir, alors que la Cour suprême donne son feu vert pour dévoiler le nom des impliqués dans cette immense affaire de corruption. Des dizaines de parlementaires sont concernés, dont les présidents du Sénat et de la Chambre des députés. Ce dernier twittait encore la vieille « transparence et rien à craindre ».

Un système rôdé depuis au moins quinze ans

refinaria-presidente-getulio-vargas-repar-credito-agencia-petrobrasSi des hauts-placés du PT sont mis en examen dans l’affaire de corruption Petrobras, la présidente, quant à elle, semble à l’écart de tout soupçon, de même que son prédécesseur Luiz Inacio Lula Da Silva, la malversation étant apparue déjà bien avant leurs mandats respectifs. Pourtant, en tant que ministre de l’Energie entre 2003 et 2005, Dilma Roussef a siégé au conseil d’administration de l’entreprise pétrolière.

La présidente du Brésil a d’ailleurs démontré sa proximité avec Petrobras en plaçant en 2012 à sa direction son amie Maria Das Graças Foster, forcée de démissionner en février dernier. Cette dernière n’est pas pour le moment suspectée. Suite à cet ouragan de délation et de polémiques, le cours en Bourse de la compagnie pétrolière Petrobras s’est effondré (de 60% depuis septembre dernier) et la société est déjà poursuivie en justice par des actionnaires américains.

L’un des plus grands scandales de l’histoire brésilienne

La compagnie Petrobras était considérée comme la fierté des Brésiliens, offrant une économie prospère au pays. Pourtant, ce scandale affiche une réalité souvent cachée au Brésil, la gangrène de la corruption. Le pays s’inscrit d’ailleurs à la 69ème place dans le classement sur la perception de la corruption, liste publiée par Transparency International. Pourtant, la polémique, relatée par les médias du monde entier, semble encore n’être que la face émergée de l’iceberg.

Il est vrai qu’au Brésil, le corrompus sont montrés du doigt (et vite oubliés), contrairement aux corrupteurs qui ne sont, dans la plupart des cas, jamais désignés. L’affaire Petrobras est pour cela assez exemplaire au sein du corps judiciaire brésilien.

Petrobras et les « quatre sœurs »

petrobrasLes « quatre sœurs » sont, au Brésil, les quatre principales entreprises de construction du pays : Odebrecht, OAS, Camargo Corrêa et Andrade Guttierez. C’est la naissance de Brasilia qui signe leur montée en puissance dans les années 1950 de ces géantes. Depuis, ce sont elles qui monopolisent le marché de la construction civile au Brésil : téléphonie, agroalimentaire, chimie, elles financent même les campagnes politiques des partis régionaux et nationaux. Empoisonnant le Brésil de corruption et de grivèlerie, leurs pouvoirs les ont toujours mis à l’abri du scandale. L’opération « Lava Jato » va enfin mettre à jour les escroqueries des « quatre sœurs » et les mouiller dans le scandale Petrobras, accusées de blanchiment d’argent.

L’opération policière a également sorti au grand jour la systématique surfacturation des investissements lancés par Petrobras. Les « quatre sœur » quant à elles auraient formé un cartel afin de se partager l’ensemble des marchés qu’elles auraient également surfacturés. La classe politique au pouvoir, elle aussi mouillée, aurait perçu des pots-de-vin oscillant entre 1 et 3%, soit, en une dizaine d’années, plus de dix milliards de reais (3,1 milliards d’euros).

Certains délateurs – hauts dirigeants des compagnies de construction – s’étant vu proposer une remise de peine en échange d’informations, ont également bavé le nom de certaines multinationales étrangères, baignant en partie dans ces malversations. Ainsi, les entreprises Rolls-Royce et Maersk sont dans le collimateur de la justice, qui elle, passe au peigne fin tous les contrats faits avec Petrobras. Ces accusations sont démenties par les deux compagnies européennes.

Coup de pied dans la fourmilière

PETROBRAS La levée du secret concernant la liste des 54 accusés marque un grand pas en avant pour la justice brésilienne. Le scandale Petrobras, percé à jour il y a un an, prend un nouveau tournant. Des géants de l’industrie brésilienne sont montrés du doigt et condamnés. Les « quatre sœurs » sont exclues du marché public. Les noms des impliqués dans l’affaire tombent les uns après les autres suite à la délation des premiers accusés… Cocasse ironie du sort.

Une forte opposition au sein de l’opinion publique commence à se faire entendre. Bien que rien n’accuse pour le moment Dilma Roussef, les slogans s’enchainent et se déchainent, prônant sa démission. Le 15 mars prochain, des centaines de milliers de Brésiliens sont attendus dans tout le pays afin de manifester contre le gouvernement ainsi que contre l’union de l’élite politique avec une partie de l’élite économique, gangrénant le pays de corruption.

Ce scandale s’inscrit dans une période difficile pour le Brésil, qui commence à subir de plein fouet les effets de la crise économique. Alors que les prix du carburant et de l’électricité sont en forte augmentation, le chômage a cru de 0,5% en un an (janvier 2014-janvier 2015). La croissance économique est en berne, l’inflation gronde sur le Brésil. Le scandale Petrobras n’arrange pas la situation puisque la plupart des investissements et projets en cours sont gelés ou retardés, ce qui ne sera pas sans répercussion sur l’économie brésilienne.