enquete

Pourquoi les Français paient leurs lunettes plus chères

0

Alors que de plus en plus de Français renoncent à remplacer leurs lunettes pour cause de prix excessif, quelques trublions tentent d’implanter un optique « low cost ».

470 euros. C’est, selon une enquête de l’UFC-Que Choisir, le prix moyen d’une paire de lunettes achetée en France, pays d’Europe le plus cher en la matière. L’association de défense des consommateurs évalue que le budget lunettes des Français est 50% plus élevé que la moyenne européenne. Comment, dès-lors, expliquer un tel surcout, et comment en est-on arrivé à une telle situation ?

p2-produits-158Comparer les couts de fabrication aux prix de revente permet de constater à quel point les marges des opticiens sont élevées. La paire de référence vendue 470€ ne couterait au commerçant qu’entre 110 et 120€, soit 3,3 fois moins cher que la facture présentée au client. Une telle marge, qui s’élève à 233%, a de quoi surprendre le consommateur. D’autant plus que ce dernier se verra le plus souvent aiguillé vers des verres couteux, amincis, anti-rayures, antireflets, tous beaucoup plus rentables pour le commerçant. Le principe est le même pour les montures : plus elles seront chères, plus la marge deviendra intéressante pour l’opticien. Les principaux représentants de la profession, qui n’est pas encadrée comme peuvent l’être les pharmaciens ou les infirmières, réfutent cette conception et estiment quant à eux qu’une paire de lunettes couterait en moyenne 350€.

Un contexte surréaliste

Chaque année, près de 13 millions de paires de lunettes sont vendues dans l’Hexagone. Un marché lucratif, qui a suscité de nombreuses créations de magasins d’optique. Entre 2000 et 2012, pas moins de 3 650 nouveaux commerces ont ouvert leurs portes, soit une augmentation de 47% sur douze ans. Ces ouvertures massives se sont effectuées sans aucune corrélation avec les besoins réels de la population, et ne s’expliquent que par une logique commerciale hasardeuse. Car cet afflux de points de vente, mal répartis sur le territoire, a entrainé une baisse significative du chiffre d’affaires des opticiens. En moyenne, un magasin ne vend que 2,8 paires de lunettes par jour ouvré, ce qui s’avère au final très peu rentable. Les frais de personnel, le loyer, les dépenses publicitaires et les factures diverses sont donc remboursées grâce à ces marges hors-normes, et qui ne profitent, au final, que peu au commerçant.

Un consommateur perdu

Cette course à l’expansion pèse aussi sur le consommateur, qui va donc, en achetant sa nouvelle paire de lunettes, participer à tous les frais engendrés par le développement incontrôlé du réseau d’opticiens. Pour compenser la prise en charge anecdotique de la Sécurité sociale, le recours à une complémentaire santé est devenu quasi-obligatoire. Mais un effet pervers est apparu ces dernières années : l’opticien va encourager le client à acheter un produit dont le prix se situera au plus près de son plafond de remboursement. Le client qui, par exemple, peut bénéficier d’une prise en charge de 600€ ne se verra donc pas conseiller une paire à 200€… Une logique qui pousse peu à peu les complémentaires à augmenter leurs tarifs, au détriment des consommateurs.

Solutions alternatives

paul morletComment, dès-lors, sortir de cet engrenage ? La solution envisagée par le gouvernement de plafonner les remboursements ne sera surement pas suffisante pour faire baisser les prix de manière significative. Le consommateur peut alors envisager de se tourner vers une boutique en ligne offrant de meilleurs tarifs. Le personnel réduit de ces lunetiers 2.0 et leur absence de frais immobiliers permettent au client d’obtenir verres et montures pour des sommes inferieures à 200€. En acceptant, bien sûr, de se passer des conseils d’un spécialiste et d’un service après-vente en magasin. Depuis peu, une autre alternative a vu le jour grâce à l’initiative de Paul Morlet, jeune opticien garantissant des tarifs inédits. Bénéficiant d’un vaste engouement médiatique, son unique boutique parisienne, ouverte en mai 2014, ne désemplit pas.

Des lunettes à moins de 10€ la paire ?

Le prix d’appel a de quoi séduire, puisque son point de vente promet aux clients d’obtenir des lunettes pour la somme 10 euros. Si, en pratique, un tel prix sera souvent dépassé en fonction de la monture et de la correction des verres, l’offre a pourtant de quoi séduire de nombreux clients. Pour parvenir à un tarif aussi bas, l’entrepreneur, dont l’action dans le monde de l’optique est régulièrement comparée à celle de Xavier Niel dans le domaine d’Internet, fait fabriquer ses montures en Chine, et ses verres en Corée. En ne proposant pas plus de 35 modèles différents, la gestion du stock s’en trouve facilitée, et les tarifs obtenus grâce à des achats en grand volume garantissent un faible cout. Si le pari est risqué pour cet entrepreneur qui a misé à partir de ses deniers personnels, le succès est pour l’instant au rendez-vous, et de nouvelles boutiques ouvriront en 2015, à Lille et à Lyon. De quoi soulager les 2 millions de français qui, chaque année, faute d’un budget conséquent, renoncent aux soins optiques.