Start-up : après la mode de la valorisation, place à la rentabilité ?

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Privilégier la valorisation à la rentabilité est une tendance courante dans l’univers des start-up, mais la pratique suscite de nombreuses interrogations.

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Certains voient en la start-up une opportunité de s’enrichir en faisant augmenter la valeur de l’entreprise qu’ils cèdent au bout de quelques années. Ce type de stratégie où la valorisation prend le pas sur la rentabilité pousse les entrepreneurs à constamment rechercher des fonds. Elle atteint aujourd’hui ses limites ; sur les 25 % des start-up françaises qui ont levé deux milliards d’euros, 74 % affichent des pertes, ce qui suscite des interrogations sur la survie de ces entreprises.

Les statistiques renvoient à une réalité implacable ; selon une étude de l’INSEE de 2016, 90 % des start-up françaises ont déposé le bilan avant leur cinquième anniversaire. La tendance est similaire aux États-Unis, où neuf start-up sur dix seraient vouées à l’échec. Toutefois selon une étude de Cambridge Associates, un fonds d’investissement qui a étudié 27.259 entreprises entre 1990 et 2010, ce taux tombe à 79 %, ce qui reste néanmoins conséquent.

Une volonté stratégique ?

Si la rentabilité est un indicateur de la santé financière, certains, comme BlaBlaCar, y font l’impasse volontairement. En 2014, Frédéric Mazzella, son P-DG, déclarait : « nous ne sommes pas du tout rentables, car nous innovons en permanence et nous investissons à l’étranger. Pour être rentable, il faudrait arrêter d’innover et de s’étendre ». En 2017, la plateforme de covoiturage française n’est toujours pas à l’équilibre et connaît une crise de croissance au point de renoncer à certains marchés.

Les start-up n’échappent pas à la vérité de l’adéquation produit/marché. BlaBlaCar s’est retiré de l’Inde, du Mexique de la Turquie et de la Grande-Bretagne où les consommateurs ne sont pas encore ouverts au covoiturage. Pour Daniel Corfmat et Marc Chambault, la recette de longévité d’une start-up tient à sa gouvernance souvent « ressentie au sein de l’entreprise comme un frein à la prise de décision et un alourdissement de son mode de fonctionnement ».

Passer d’une bonne image à un fonctionnement efficace

Si des entreprises solides peuvent s’adapter, d’autres doivent en subir les conséquences de manière irrémédiable. En 2015, Lily Drone suscitait l’enthousiasme auprès de la presse. La start-up, qui avait levé 15 millions de dollars et reçu 34 autres grâce aux  précommandes (60.000 unités), s’est retrouvée dans l’incapacité de fabriquer et donc de livrer ses caméras volantes. L’aventure de Lily Drone a pris fin en janvier 2017.

Pourtant une start-up peut être rapidement rentable. Ainsi Nestor, spécialisé dans la livraison de repas au bureau, a atteint l’équilibre seulement deux ans après sa création. Ces résultats s’expliquent par la capacité de l’entreprise à gérer ses opérations. Pour livrer les 1.500 repas quotidiens, Nestor s’appuie sur une logistique bien organisée afin de servir le client en 13 minutes en moyenne. Cela n’empêche pas l’entreprise de lever des fonds, notamment en vue de son futur développement à l’international.

Vers un financement responsable ?

Des entrepreneurs et investisseurs prônent une approche responsable, comme Mara Zepeda et Jennifer Brandel, cofondatrices de Zebra Unite. Pour elles, les modes de financement actuels, qui ne font « pas de place pour des sociétés qui ne cherchent pas à dépasser une valorisation de 500 millions », pénalisent les business models solides. Le fonds d’investissement Indie.vc propose lui une alternative au capital risque en n’investissant que dans les entreprises rentables.

La levée de fonds est nécessaire et parfois même indispensable, mais elle ne doit intervenir qu’au service de la start-up et non en devenir la finalité. Cela nécessite que le créateur d’entreprise ne perde pas de vue que le moteur premier de sa société reste le client. La manière d’utiliser les fonds levés et de se structurer est donc essentielle. À défaut, il verra le nom de sa start-up ajouté à la liste déjà longue des projets novateurs avortés.