L’Islande, le pays où le combat des femmes paye enfin

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En légiférant sur l’équité salariale entre femmes et hommes, l’Islande conforte sa place de pays pionnier pour l’égalité des sexes.

Le Premier ministre islandais Bjarni Benediktsson l’avait annoncé et promis le 8 mars 2017 à la tribune de l’ONU à l’occasion de la journée internationale de la Femme : légiférer en faveur de l’égalité salariale hommes/femmes. Cela lui avait valu une pluie d’applaudissements. Le mois suivant, un projet de loi était présenté devant le Parlement, immédiatement validé et entré en vigueur depuis le 1er janvier 2018.

Encadrer une loi de 1961

Désormais, chaque entreprise de plus de 25 salariés devra scrupuleusement appliquer l’égalité de salaire vis-à-vis de tous ses employés. Pour permettre aux principaux acteurs de s’adapter à la nouvelle législation, la loi ne s’applique pour le moment qu’aux administrations ainsi qu’aux entreprises dont les effectifs dépassent les 250 personnes. Suivront, dès l’année prochaine, les structures comptant entre 150 et 250 salariés, les plus petites d’entre elles ayant jusqu’en 2021 pour se mettre en conformité.

Concrètement, un bureau de contrôle sera chargé de surveiller l’application de la loi et d’établir des certificats dont la validité sera limitée à trois années. En cas d’entorse au règlement, des amendes pouvant aller jusqu’à 400 euros par jour seront établies. Dans les faits, l’égalité salariale entre les femmes et les hommes était déjà obligatoire en Islande depuis 1961, mais aucune loi ne venait sanctionner les manquements à une règle largement bafouée. Malgré l’ampleur et la régularité des protestations, une femme, à poste strictement identique, touchait en 2017 16,1 % de moins qu’un homme.

Egalité salariale, égalité sociale

Cette différence de traitement constituait la principale revendication des militants pour les droits des femmes, qui se réjouissent d’une telle initiative juridique. La loi est d’ailleurs passée sans encombre devant le Parlement, composé de femmes pour près de sa moitié. Seul le parti Pirate avait estimé le projet de loi à la fois trop brutal et coûteux. Le patronat, quant à lui, est resté majoritairement silencieux, malgré les frais que l’application de la loi vont entraîner, ces derniers demeurant à la charge des entreprises. « L’histoire a montré que si nous voulons le progrès, il faut l’imposer », avait déclaré Thorsteinn Viglundsson, le ministre des Affaires sociales.

De quoi conforter la position de l’Islande, pays de 335 000 habitants, qui caracole depuis une décennie en tête des classements concernant la parité hommes/femmes. Pas uniquement au niveau salarial : c’est toute la société islandaise qui s’est peu à peu érigée comme un modèle d’égalité. Premier pays à légiférer sur l’égalité salariale, premier pays à élire une femme à la présidence de la République (en 1980), et premier pays à accorder aux hommes un congé paternité d’une durée identique à celui dont bénéficient les femmes. Dans les écoles, la question du genre est abordée dès la maternelle, et est devenue matière obligatoire dans tous les lycées.

Un petit pays qui donne une grande leçon

Cette loi, qui ne résoudra malheureusement pas à elle seule les inégalités hommes/femmes qui perdurent malgré tout en Islande, constitue néanmoins une avancée majeure que les féministes du monde entier ne peuvent qu’envier. De tradition plus égalitaire, les pays nordiques trustent les 5 premières marches de l’index mondial de la parité, à l’exception de la quatrième place, occupée par le Rwanda. La France, qui se hisse à la onzième position derrière les Philippines, demeure le premier pays du G20, devant l’Allemagne. Et gagne même six places depuis le précédent classement établi en 2016.

Pourtant, dans l’Hexagone, la persistance des inégalités salariales reste un problème majeur. Si des progrès sensibles ont été réalisés, le salaire d’une femme occupant la même fonction qu’un homme demeure inférieur de 10 % par rapport à son collègue masculin. Ce qui, pour un travail identique, reviendrait à cesser d’être rémunéré à partir du 3 novembre jusqu’à la fin de l’année. Une situation qui met les entreprises discriminantes hors la loi, puisqu’un texte de 1972 impose un salaire égal pour un travail égal.

Mais le principe d’application de cette loi demeure aux antipodes de la méthode islandaise : alors que, là-bas, les entreprises doivent prouver leur conformité, en France, c’est aux inspecteurs du travail d’établir tout manquement à la règle. Une mission délicate, faute d’effectifs suffisants. La marche pour une véritable égalité entre les femmes et les hommes paraît encore bien longue au regard des avancées islandaises.