Portrait de Pavel Durov, prophète libertarien de l’ Internet russe
Biographie

Pavel Durov, prophète libertarien de l’ Internet russe

CEO de Vkontakte

Le succès de son réseau social Vkontakte lui valant le surnom de « Mark Zukerberg », jeune millionnaire insolent et excentrique, Pavel Durov était une star de l’Internet, russe. Était ?

Jeune millionnaire insolent et excentrique, Pavel Durov était une star de l’Internet dans son pays, le succès de son réseau social Vkontakte lui valant le surnom de « Mark Zukerberg » russe. Aujourd’hui parti à l’étranger, il clame avoir été poussé à la démission pour avoir refusé de céder au chantage des autorités.

Le 10 octobre, Pavel Durov donnait de ses nouvelles lors de la fête donnée pour ses trente ans, postant sur Facebook sa mine angélique et narquoise. Derrière cet air juvénile se dissimule l’aventure mouvementée de l’ascension et la chute du fondateur du réseau social VKontake, alias VK.com, plus de 200 millions d’utilisateurs dans les ex-pays de l’URSS conquis en à peine quelques années. Alors qu’il n’avait même pas 25 ans, Pavel Durov comptait déjà parmi les millionnaires de l’économie numérique. Sa démission et son départ cette année à l’étranger n’en ont eu que plus de retentissement.

Rapports conflictuels de Pavel Durov avec les autorités

vkontakteLes polémiques n’ont jamais été absentes dans cette trajectoire ascendante. VK a été un temps décrié pour son apparente désinvolture devant l’échange massif d’œuvres piratées par ses utilisateurs. Aujourd’hui, la compagnie a été rachetée en totalité par le portail web Mail.ru, possession d’Alisher Usmanov, l’homme le plus riche de Russie. Et le PDG nommé en lieu et place de Durov, un certain Boris Dobrodeyev, n’est autre que le fils du dirigeant du principal groupe audiovisuel public du pays. Du coté de ces nouveaux patrons et actionnaires, tous très proches du Kremlin, on assure que la mise sur la touche du dirigeant originel n’a rien de politique. Difficile pourtant de nier la tournure conflictuelle prise par les rapports entre Pavel Durov et les autorités.

En décembre 2011, alors que les manifestations anti-Poutine battent leur plein, le très puissant appareil de sécurité du pays, le FSB, demande en vain à VK de fermer les forums de discussion d’opposants. Par la suite, durant la crise ukrainienne, les autorités réclament cette fois avec insistance des données sur les utilisateurs versés dans la révolte de la place Maidan. A chaque fois, Pavel Durov répond « niet » : mieux, il le fait savoir, en postant des messages sur son réseau raillant ouvertement ces requêtes liberticides.

Un libertarien s’identifiant à Matrix

Le bonhomme a, non seulement des convictions, mais une vision du monde : depuis longtemps, il s’affiche comme libertarien, partisan du moins d’Etat possible, et s’est fendu de plusieurs manifestes au contenu « anarcho-capitaliste ». Ayant passé son enfance avec des parents universitaires hors de Russie, Pavel Durov semble assez étranger à la rhétorique de restauration de la grandeur nationale en vogue sous l’ère Poutine. Choc des mondes : aux injonctions policières invoquant l’impératif de sécurité, il répond dans un langage rebelle et provocateur, parsemé de références geeks, photos de chiens en sweat-shirt, doigts d’honneur… Végétarien, il se revendique, dans un certain fatras de références, à la fois de Steve Jobs et Che Guevara, et copie la garde-robe de Néo, le héros de la trilogie Matrix interprété par Keanu Reeves, auquel il s’identifie.

La Russie, « incompatible » avec Internet

Le processus de mise à l’écart de Pavel Durov demeure à bien des égards obscur : son entreprise fait l’objet de perquisitions, accusé en 2013 de violence sur un policier, il est convoqué au poste, ne s’y rend pas, et entame des allers-retour à l’étranger. Dans le même temps, sur le plan économique, des actionnaires de VK vendent leurs parts au puissant groupe de communication qui se rend peu à peu maitre de l’outil. Enfin, Pavel Durov dit avoir été victime de pression pour remettre finalement sa démission en avril. Fin de la croisade.

Le lieu de résidence de l’ex-PDG rebelle reste pour l’heure assez confidentiel, quelque part en Europe centrale. Il dit travailler à de nouveaux projets, dont son application de messagerie Telegram qui rencontre un franc succès. Il n’entend plus retourner en Russie, « incompatible », selon lui, avec la liberté du Net. Difficile de le contredire : de nouvelles mesures prévoient entre autre d’y resserrer drastiquement le contrôle sur Google, Facebook et Twitter.