Le cognac est à la fête : bénéficiant d’une excellente image et d’une hausse de ses exportations, son vignoble va s’agrandir de 800 hectares pour répondre à une demande en forte croissance.
Les ventes de cognac ont atteint un niveau historique en 2016, et devraient être tout aussi euphoriques pour 2017. Si le marché français reste maussade, les exportations, elles, se portent à ravir. Près de 185 millions de bouteilles ont été exportées lors des douze derniers mois, soit 7 % de plus que l’année précédente. Pour faire face à la demande, l’INAO, l’entité chargée de régir les zones de plantations, a autorisé en février dernier l’agrandissement du vignoble.
800 nouveaux hectares viendront s’additionner aux 75 000 actuels, et des discussions sont en cours pour en rajouter encore 1 000 de plus. Des décisions attendues et accueillies avec soulagement par les producteurs, qui craignent de ne pouvoir fournir des consommateurs de plus en plus nombreux, présents sur tous les continents. D’autant plus que les épisodes de grêle, qui se sont succédé jusqu’en juillet, ont endommagé 1500 hectares de vigne, soit 2 % du vignoble. Fin avril, c’est un gel tardif qui a détruit pas moins de 25.000 hectares. L’extension du vignoble devenait donc une question prioritaire, portée par des prévisions économiques très optimistes sur la décennie à venir.
Ne pas reproduire la crise des arrachages
Cette décision devra pourtant être mise en œuvre avec la plus grande prudence, afin de ne pas rompre un équilibre délicat. Les viticulteurs du Cognaçais ont tous en mémoire la crise des années 1990, qui les avait durement frappés. Durant plusieurs années consécutives, les exportations en Asie avaient chuté de manière vertigineuse, tandis que les viticulteurs continuaient à produire en masse, espérant une reprise rapide. D’énormes stocks de cognac invendu s’étaient accumulés, entraînant une baisse des prix et mettant les vignerons aux abois. 5000 hectares de vignes, dont la plupart avaient été plantés pour répondre à la conjoncture favorables des années 1970 et 1980, avaient alors dû être arrachés, entraînant la ruine de nombreuses exploitations.
C’est ce schéma que les professionnels tentent à tout prix de ne pas reproduire, d’où la prudence des instances chargées de gérer les superficies exploitables. Les marchés peuvent toujours réserver quelques mauvaises surprises, comme l’a démontré la crise chinoise qui vient tout juste d’être désamorcée. La mise en place de nouvelles normes sanitaires a un temps fait craindre aux producteurs la perte d’un marché pesant 22,6 millions de bouteilles.
Bonne cote pour l’or brun
Mais les années difficiles sont loin, et l’heure est plutôt aux réjouissances. Avec ses trois milliards d’euros de chiffre d’affaires, le cognac semble promis à un avenir radieux. Les ventes de cet or brun tirent les grandes maisons vers le haut. C’est le cas, par exemple, de LVMH. Les bons résultats du groupe sont dus en grande partie au succès de son cognac Hennessy. Idem pour Rémy Cointreau, dont la marque Rémy Martin constitue le principal centre de profit du groupe. Les producteurs bénéficient aussi d’une image renouvelée, à mille lieux de la boisson digestive d’après-repas.
Car le cognac est devenu tendance. Des barmen du monde entier sont régulièrement invités par le BNIC et créent de nouveaux cocktails vendus dans les bars chics de Berlin ou Singapour. Aux Etats-Unis, ce sont les rappeurs qui ont choisi le cognac comme boisson de prédilection. Snoop Dogg prend la pose sur des panneaux publicitaires vantant les mérites du cognac Landy, tandis que le tube de Busta Rhymes « Pass the Courvoisier » passe en boucle. 78,7 millions de bouteilles sont écoulées chaque année aux Etats-Unis, dont le marché s’oriente de plus en plus vers des produits ayant au minimum quatre ans d’âge.
Des emplois à la clé
Croissance à deux chiffres des exportations, plantation de nouvelles vignes et prévisions de ventes au beau fixe laissent augurer la création d’emplois dans un secteur qui fait déjà vivre plus de 50.000 personnes. C’est tout un microcosme qui va bénéficier de cette conjoncture favorable. Viticulteurs, mais aussi négociants, transporteurs, tonneliers, fabricants de matériel agricole… Tous parient sur une reprise durable, comme l’atteste le nombre d’hectares de plantations supplémentaires demandé chaque année. Si 800 ha ont été accordés par les instances régulatrices, ce ne sont pas moins de 5700ha qui ont été réclamés par les producteurs. L’optimisme est donc de mise.