Trublion créatif. Pourvoyeur de séries cultes. Révolutionnaire télévisuel. Les qualificatifs ne manquent pas pour désigner HBO, chaîne du câble née timidement en 1972 et devenue un incontournable du paysage audiovisuel. Fort de ses 31 millions d’abonnés dans le monde, Home Box Office, à qui l’on doit des productions telles que Les Soprano, Six pieds sous terre, ou plus récemment Game of Thrones, doit cependant faire face à une nouvelle forme de concurrence.
Lorsque la chaîne est créée en 1972 par Charles Dolan, son audience est limitée à l’Etat de Pennsylvanie et ses abonnés ne dépassent pas le millier. Pourquoi, en effet, payer pour une chaîne de télévision, alors que l’offre gratuite est abondante ? Le câble n’en est alors qu’à ses balbutiements, et occupe une position marginale dans le paysage audiovisuel américain. Mais Charles Dolan est un visionnaire. Il décide de diffuser des retransmissions sportives délaissées par les chaînes traditionnelles, agrémentées de films récents. En diversifiant ainsi ses programmes, il parvient à susciter un besoin et à rendre la chaîne attrayante. Une recette qui sera, bien des années plus tard, appliquée avec le même succès en France par Canal +.
Conforter son assise
Les débuts sont difficiles, mais un partenariat avec Time Life permet à Home Box Office de bénéficier d’une diffusion par satellite, touchant ainsi l’intégralité du territoire américain. En plus du sport et des films, des émissions de qualité sont élaborées, ainsi que des documentaires. Le secteur du câble, devenu extrêmement concurrentiel, oblige la chaîne à trouver un second souffle pour s’imposer. Cette mue sera entamée dès la fin des années 1980, avec la production d’un documentaire-fiction réalisé par Robert Altman, Tanner ‘88. Narrant les péripéties d’un candidat démocrate aux primaires de son parti, la mini-série démontre que la télévision peut offrir un spectacle innovant et marque un tournant dans la ligne éditoriale proposée par HBO.
Maitre-mot : créativité
Jouissant d’une profonde estime parmi les téléspectateurs, il faudra néanmoins encore patienter une décennie avant que HBO ne parvienne à la consécration. La bombe est lancée en 1998, avec la diffusion de Sex and the City, qui fait voler en éclats les codes jusqu’alors pratiqués dans les séries. Langage cru, sexe omniprésent, pertinence des dialogues et du jeu des acteurs, le succès est immédiat. La programmation, l’année suivante, des Soprano confirme la chaîne dans ses choix. Aborder des sujets jusqu’alors inédits, tels que le sexe, la drogue, la mafia ou la violence, révolutionne l’univers de la fiction télévisuelle. Tandis que d’autres diffuseurs hésitent à franchir le pas, HBO, de par son statut de média payant, n’est pas soumise aux mêmes obligations que les chaînes gratuites en matière de censure. Et aucun risque de froisser les annonceurs, puisque la publicité ne fait pas partie du financement de la chaîne, qui repose uniquement sur les abonnements.
Au bonheur des sériephiles
Depuis Sex and the City, les productions à succès affluent régulièrement. Oz, Six pieds sous terre, The Wire, Entourage, ont chacune marqué l’histoire des séries. Jusqu’à Game of Thrones, superproduction dont l’audience de chaque épisode dépasse les 10 millions de téléspectateurs. Aucun sujet ne semble rebuter la chaîne, qui profite de la frilosité d’Hollywood pour proposer ses propres téléfilms dignes d’être diffusés sur grand écran. Les récompenses s’accumulent, et de grands acteurs venus du cinéma collaborent régulièrement avec HBO, qu’il s’agisse d’Al Pacino, de Michael Douglas, de Dustin Hoffman ou encore de Matt Damon. Un attrait qui s’exerce aussi du côté des réalisateurs, puisque Martin Scorsese (Boardwalk Empire), Ben Stiller (All Talk), David Fincher (Utopia), pour ne citer qu’eux, ont aussi contribué aux réussites d’HBO. Steve McQueen, oscarisé pour son film 12 Years a Slave, réalisera la série Codes of Conduct, dont le pilote sera diffusé début 2015. Acteurs, réalisateurs et scénaristes sont attirés par la liberté de ton offerte par la chaîne, qui se retrouve aussi dans des talk-shows très prisés, présentés notamment par Bill Maher et John Oliver. Les animateurs y ont carte blanche et ne se privent pas pour jouer leur rôle de poil à gratter, au grand dam de leurs invités, tant issus de la politique que du show-business, mais pour le plus grand bonheur des spectateurs.
Faire face à la concurrence
Les productions estampillées HBO ont fortement contribué au renouveau des séries, les hissant au niveau de produits culturels parfois plus prisés que des films. Pourtant, ce succès à aiguisé l’appétit de concurrents qui n’entendent pas rester éternellement au second plan. Principale adversaire, Showtime, qui repose sur le même modèle économique, et qui a su s’adapter au tempo donné par HBO en proposant les séries Weeds, Californication et Dexter. Et qui n’a pas hésité à faire appel aux grands maitres du fantastiques Dario Argento, Joe Dante et John Carpenter pour réaliser les épisodes de Masters of Horror. D’autres chaînes, comme FX ou AMC, se sont aussi distinguées par leurs productions, qui ont parfois éclipsé celles de leur ainée. De plus, la percée internationale menée par Netflix, qui a dépassé en 2013 la chaîne câblée en nombre d’abonnés, inquiète Richard Plepler, le patron d’HBO, ainsi que Time Warner, son propriétaire. Devant la menace, HBO a annoncé une nouvelle offre disponible via Internet, et qui sera disponible dès 2015. Au vu de l’engouement suscité par les séries HBO, les profits qui seront dégagés de cette formule promettent d’être colossaux. Et permettront très certainement à HBO de rester dans la course, même dans un secteur en pleine évolution.