L’Europe est mal en point. Suite à la victoire du « Leave » le 24 juin au référendum britannique consultatif sur l’Union européenne, le Brexit a infligé une nouvelle défaite à cette dernière. Le président de la Commission européenne, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, est plus que jamais sur la sellette.
Une réaction virulente au Brexit peu appréciée
Dans les heures qui ont suivi l’annonce des résultats au référendum britannique, la réaction de Jean-Claude Juncker a été pour le moins virulente. Face à ce désaveu de taille le président de la Commission européenne a demandé aux côtés de Donald Tusk et Martin Schulz, respectivement président du Conseil européen et président du Parlement, que la « décision du peuple britannique soit effective dès que possible ».
Des mots forts alors que les conséquences de ce référendum qui n’a qu’une valeur consultative, restent encore très incertaines mais il s’agit d’une preuve supplémentaire du manque de popularité dont souffre l’Union européenne et de la montée des courants eurosceptiques. En tant que président de l’organe le plus puissant de l’Union, Jean-Claude Juncker n’a pas mâché ses mots en annonçant vouloir entamer rapidement des discussions pour acter la sortie du Royaume-Uni et en accusant le pays de vouloir « quitter le navire ». En voulant éviter que la vague eurosceptique ne se propage au reste des Etats membres, cette attitude « avec ou contre l’Union » pourrait lui coûter cher.
La réaction à chaud du président de la Commission a très peu été appréciée par Berlin et la chancelière fédérale Angela Merkel a dénoncé son attitude comme étant préjudiciable au futur de l’Union Européenne, et a même déclaré que Juncker pourrait être « une partie du problème ».
Juncker a perdu ses soutiens politiques
Jean-Claude Juncker, depuis sa nomination à la tête de la Commission européenne le 27 juin 2014, ne cesse de se faire des ennemis et ses soutiens se font rares.
Propulsé à la tête de l’Europe en tant que tête de liste du Parti populaire européen (PPE) aux élections de mai 2014, l’ancien Premier ministre luxembourgeois jouissait alors du soutien de Berlin (bien que mitigé), des démocrates-chrétiens et des fédéralistes de son parti. Soutiens qu’il a progressivement perdu.
Au sein du PPE, on lui reproche que le « plan Juncker », c’est-à-dire la discussion entamée entre la Grèce et ses créanciers, soit trop néo-keynésien et on n’apprécie guère son manque de réaction face aux déficits espagnols et portugais. Pour les partisans de l’orthodoxie budgétaire, Juncker verse trop à gauche et n’est assez attentif à la stabilité financière de l’Union. A gauche, on lui reproche des mesures trop timides et de maintenir trop de pression sur les pays méditerranéens en difficulté. Bref, en souhaitant poursuivre contre vents et marées une politique centriste et fédéraliste, l’ancien ministre des Finances du Luxembourg alimente les suspicions de part et d’autre.
De surcroît, Juncker a perdu le soutien de Berlin. Comptant au rang des partisans de l’orthodoxie budgétaire, les institutions allemandes n’apprécient guère ses mesures trop laxistes et souhaitent imposer plus de contrôle quitte à le remplacer à la tête de la Commission. La vision de Juncker d’une Europe à l’ancienne avec une intégration renforcée ne coïncide pas avec celle de Berlin qui n’est pas partisan d’une plus grande solidarité au sein de la zone euro.
Angela Merkel a ces derniers jours clairement manifesté son désaccord avec une solution « punitive » pour le Royaume-Uni, et cherche au contraire à trouver un compromis pour modérer les conséquences du Brexit. Ligne à l’opposée de celle adoptée par Juncker, qui s’est même permis lors de la session du Parlement européen du 28 juin de demander à un député britannique eurosceptique ce qu’il faisait dans l’hémicycle…. Le divorce entre Angela Merkel et Jean-Claude Juncker semble acté.
Une démission à venir ?
Le président de la Commission a également perdu le soutien populaire et ces échecs cumulés pourraient lui porter un coup fatal.
Jean-Claude Juncker avait affiché ouvertement ses positions pro-européennes sur trois référendums clés dont les résultats l’ont désavoué. D’abord le référendum grec sur le plan d’aide proposé par les créanciers internationaux du 5 juillet 2015 où le non l’a emporté à 61,3%. Un « oxi » considéré comme un non à l’Union européenne.
Un premier échec suivi d’une deuxième. Le 6 avril 2016, lors du référendum consultatif sur l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine, 61,1 % des Néerlandais ont choisi de s’opposer à cette association. Et jamais deux sans trois, la victoire du « Leave » au référendum britannique inflige un troisième soufflet au président de la Commission.
Alors que la croissance peine à 1,6 % en 2016 et que la BCE joue des pieds et des mains pour sauver l’euro, le manque de cohésion politique et l’absence d’une figure fédératrice assombrissent davantage un ciel européen déjà bien orageux. Jean-Claude Juncker ne semble plus en position de pouvoir redresser la barre et, dans les couloirs de Bruxelles, beaucoup mise déjà sur un rapide remplacement.