S’il y a bien une phrase qui résonne dans l’esprit de tous lorsque l’on parle de beaujolais c’est « Le beaujolais nouveau est arrivé ». Cette phrase simple, mais que tout le monde retient, est sans conteste un des éléments-clés de la communication de ce produit et de sa réussite. Mais c’est plutôt du côté de la communication visuelle que l’on peut juger de l’incroyable capacité du produit à surfer sur les modes et à refléter sa santé économique !
Dans les années 70, période de forte croissance du phénomène beaujolais nouveau, c’était une pin-up qui accompagnait le slogan sur tous les visuels. On est dans la période de la libération sexuelle, la loi Evin n’est pas encore d’actualité ; le sexe est mis en lien direct avec la boisson ; on est dans le « happy marketing » parfaitement symptomatique d’un secteur en pleine croissance.
À partir des années 80, la communication prend un tournant plus festif, avec l’arrivée de visuels où les protagonistes dansent, tirent des feux d’artifice ou simplement débouchent joyeusement une bouteille. C’est vraiment à partir des années 90, avec l’arrivée de la loi Evin que la communication va réellement prendre un nouveau tournant. La France devient un marché trop complexe, les marchés cibles deviennent l’export. Ainsi en 1994, c’est une carte postale qui annonce l’arrivée du beaujolais nouveau, en 1999 c’est un avion de bouteilles de beaujolais nouveau qui s’envole. Bref, les années 90 sont marquées par l’envie de s’exporter… au détriment du marché local !
La mise en avant du produit par l’art
Dans les années 2000, retour sur des affiches plus artistiques. Inspiré par le succès croissant de la mise en avant du produit par l’art (Mouton à Bordeaux, ou « Fortant de France » par Skalli), on commence à s’intéresser dans un premier temps à la poésie puis à l’art. Ainsi, en 2002, on voit peu à peu apparaître le slogan « Le beaujolais nouveau c’est tout un poème ».
Puis, en 2003, le pas est franchi et l’interpro, qui s’est emparée de la communication institutionnelle du produit cette année-là, décide de faire appel à Christophe Renoux un peintre figuratif pour réaliser l’affiche. En 2004 ce sera Claire Beaupère David, peintre à Juliénas qui sera retenue. L’interpro décide de jouer totalement la carte de l’art : on pense encore que le statut du beaujolais nouveau est acquis et que c’est par l’universalité homérique de l’art que l’on transportera le consommateur universel. Les chiffres de la campagne de 2005 désavoueront totalement cette stratégie et une remise en cause profonde commence à s’établir au sein de la région.
En 2005, plus d’affiche d’art, l’heure est au pragmatisme. Retour sur l’export (47 % de la consommation de beaujolais nouveau), l’interprofession décide d’internationaliser le slogan qui devient « It’s beaujolais nouveau time ». La ligne est claire : le marché cible est l’export, on commence petit à petit à délaisser les marchés locaux. Ainsi, en 2006 et 2007, on reste dans la même veine marketing anglophone ce qui permet dans un premier temps d’observer un bon maintien sur le marché américain et une forte hausse en Asie.
Une stratégie mitigée
En 2008, le slogan est à nouveau remodelé, rajeuni et refrancisé pour devenir « Le nouveau est arrivé » impliquant une volonté de la région de renouveler ses consommateurs français dans la tranche des 25 – 45 ans. Cette fois-ci c’est à l’artiste Benjamin Vautier, plus connu sous le nom de Ben qui signera la campagne publicitaire.
Ce retour à une communication nationale s’explique par la performance de la boisson. En effet, on remarque clairement en France un recul depuis 5 ans des volumes, mais aussi des cours de vente, alors qu’à l’étranger tous les indicateurs sont en croissance. Ainsi, la volonté de la région est de reprendre pied sur son marché local. Cette stratégie sera mitigée au vu des chiffres toujours en bernes sur l’hexagone et particulièrement chez les jeunes. La sauvegarde du marché national devient donc une priorité pour la communication.
En 2009, retour à l’origine de sa naissance, mais dans une version artistique : le pop art. Icône des années 50, ce mouvement exprime la joie et la fête à travers de nombreuses couleurs vives et monochromes. « Notre volonté est de mettre en avant l’aspect festif du beaujolais, un choix qui ne fait pas l’unanimité, mais qui a le mérite d’innover », explique Anthony Collet, responsable marketing et communication à Inter Beaujolais. Ce retour aux sources peut être vu comme une vraie interrogation sur ce qui fait le beaujolais nouveau.
Réhabiliter l’image du Beaujol’ !
C’est à partir de 2010 que vraiment le syndicat décide d’acter la montée en gamme du beaujolais, et en particulier en France où le marché se resserre drastiquement ces dernières années. L’idée de fond est que le beaujolais nouveau n’est pas simplement une boisson simple et festive, c’est avant tout un vin « classe, authentique et surtout classée !! », martèle sans cesse Anthony Collet.
Pour soutenir cette stratégie, le syndicat s’est inspiré directement de l’univers du luxe, et en particulier de celui de la mode. Ainsi, en 2011, la mention « AOC » fait son apparition sur l’affiche promotionnelle et en 2012, le pas est franchi et la signalétique évoque directement « la collection automne 2012 – beaujolais nouveau AOC » (affiche réalisée en partenariat avec Esmod Lyon, une école de stylisme).
Conscient du besoin de réhabiliter le beaujolais aux yeux du consommateur et surtout de devoir rajeunir ses cibles, le syndicat a décidé de maintenir une communication active vers les 25-45 ans, mais par le biais des nouvelles technologies. Ainsi pour les atteindre, l’interprofession communique désormais de plus en plus sur les réseaux sociaux (création d’un Facebook et d’un Twitter) et a choisi en 2011 et 2012 de diffuser ses spots radios sur RTL2 et Virgin Radio, radios dont l’audience correspond à la tranche d’âge visée.
Une des forces du beaujolais nouveau a été de savoir surfer sur les modes au cours du temps et ainsi de toujours s’adapter à ses clients. La clé de l’avenir du beaujolais nouveau est clairement dans la perception qu’ont les consommateurs de cette boisson. Tant qu’elle gardera une image de vin « de mauvaise qualité », elle ne pourra reconquérir son marché local, mais si les acteurs de la région continuent de travailler de concert, comme c’est le cas depuis quatre ans, alors il se peut qu’ils réussissent à changer son image et ainsi ré-enchanter le consommateur !