Le gouvernement a relancé le débat autour d’éventuelles consignes pour les bouteilles en plastique sur le territoire, malgré l’opposition des collectivités locales. Chaque partie avance ses arguments avant la décision finale du mois de juin. Acheter un peu plus cher votre bouteille d’eau dans l’optique de récupérer quelques centimes au moment de la rapporter vidée au supermarché… Avancée écologique viable ou tentative de greenwashing mercantile à éviter ?
Un projet qui date
Industriels de l’agroalimentaire, de l’embouteillage, hauts responsables de supermarchés, associations d’élus et de consommateurs, ONGs… Cela fait déjà plusieurs années que différents acteurs de l’écologie et du commerce s’écharpent pour savoir si l’idée d’une consigne sur les bouteilles en plastique est à mettre en place dans l’Hexagone. Le principe consiste à payer plus cher sa bouteille en plastique, un surcoût qui pourrait aller de 10 centimes à 1 euro, avant de la ramener vidée à un automate installé dans les supermarchés pour récupérer une caution estimée à 20 centimes. Simple !
Sur le papier, l’idée a de quoi séduire, en ligne directe avec la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) de 2020. En effet, elle pourrait certes permettre d’améliorer le taux de collecte des bouteilles plastique (moins de 60 % en 2022) pour atteindre les objectifs de 77 % en 2025 et de 90 % en 2029. La France étant clairement en retard sur ces objectifs, ce projet autrefois initié par Élisabeth Borne a été relancé par la secrétaire d’État en charge de l’Ecologie Bérangère Couillard pour inciter les Français à participer plus activement au tri et au recyclage du plastique. Cette dernière a notamment défendu le projet en prenant l’exemple de l’Allemagne où le système existe depuis 15 ans.
« Une arnaque intellectuelle » selon Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse
S’il est vrai que chez nos voisins, l’initiative a permis de nettement augmenter le taux de recyclage, l’effet est à double tranchant puisqu’elle a aussi encouragé les consommateurs à utiliser plus de plastique. L’Allemagne a ainsi constaté une substantielle augmentation des bouteilles en plastique à usage unique depuis l’installation des consignes. L’Union fédérale des consommateurs Que Choisir pointe donc du doigt un non-sens. Pourquoi recycler davantage de bouteilles en plastiques si cela signifie en produire davantage pour une utilisation réduite ? L’intérêt ne serait pas écologique, mais bien économique.
Selon ses calculs, en admettant un retour (optimiste) des bouteilles plastiques de 80 % et une consigne unitaire de 20 centimes, c’est plus de 400 millions d’euros par an qui seront échangés. Problème, cette somme faramineuse ne reviendra pas aux consommateurs qui auront de toute façon déjà payé les 20 centimes supplémentaires au moment d’acheter leurs bouteilles, mais sera captée par les industriels de l’agroalimentaire comme Danone ou Coca-Cola. Cela leur permettrait donc de capter une manne financière qui augmenterait leur marge tout en déstabilisant le système public de collecte des déchets, qui coûte déjà cher aux contribuables. Une part des sommes obtenues par la vente des déchets locaux servant à financer la collecte et le ramassage local, une augmentation de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères serait probablement inévitable pour compenser la baisse des quantités de plastiques récupérées dans les poubelles jaunes…
Réduire la production de plastique plutôt que d’encourager sa prolifération
Les opposants à la consigne préfèrent ainsi proposer des initiatives visant à réduire purement et simplement la production de bouteilles ou d’emballages plastiques, dont les effets néfastes sur l’environnement sont largement documentés. La promotion de la consommation de l’eau du robinet par exemple, serait plus du goût de L’UFC-Que Choisir ou de l’association Amorce. La démocratisation de fontaines publiques et surtout l’augmentation de la fréquence des collectes en sont deux autres.
Enfin, plutôt que d’augmenter les coûts et les taxes sur les consommateurs, les activistes écologiques préféreraient plutôt une augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes pour les plus gros industriels.
Photos : mer-ocean.com et rtl.fr