Les chefs d’entreprises français sont de retour en Irak. En pleine reconstruction, le pays offre des marchés considérables que ne peuvent ignorer les grands groupes et certaines PME de l’hexagone. Pourtant, les conditions sont loin d’être idéales. Dans un pays où la violence est omniprésente, les risques sont très élevés.
Le 30 octobre 2013, la compagnie aérienne Aigle-Azur lançait la première ligne régulière entre Paris-Bagdad. Quelques jours plus tôt, le 10 octobre, Nicole Brick, ministre du commerce extérieur, se rendait sur les bords du Tigre pour inaugurer le pavillon français de la foire internationale de Bagdad. Vingt-deux entreprises françaises participaient à cet évènement. Ces signes ne trompent pas, encouragés par les gouvernements français et irakiens, les chefs d’entreprises français sont de retour en Irak.
Une ville en état de siège
Pourtant, le pays est le théâtre de violences permanentes. Durant le mois de novembre 2013, 659 irakiens ont péris au cours d’attaques violentes (selon les chiffres publiés par la Mission d’Assistance des Nations Unies pour l’Irak, MANUI), 1373 personnes ont été gravement blessées. Pour la période de janvier à fin novembre 2013, le chiffre donne le vertige : 8000 morts. « C’est actuellement le pays le plus dangereux du monde » déclare un responsable de Gallice, société française spécialisée dans la sécurité.
Le spectacle qu’offre Bagdad a de quoi effrayer le plus aguerri des baroudeurs. Militaires en poste sur les grands axes routiers, miradors omniprésents – en haut desquels pointent des rangées de kalachnikov -, quartiers sécurisés… C’est en fait une ville en état de siège. Pas un jour sans que n’explose une bombe. Un de ces Engins Explosifs Individuels (EEI) qui sèment la terreur dans tout le pays. Dans ce contexte, le voyage d’affaires des entrepreneurs français ressemble plus à une opération commando qu’à une tranquille tournée de VRP. Déplacements en véhicules blindés, présence permanente d’une d’escorte armée, séjour en villa sécurisée, entouré de murs anti-attaque, avec sous le lit, gilet pare-balle et casque militaire. Le danger est permanent.
20 milliards d’euros
Qu’est ce qui peut bien pousser de très sérieux hommes d’affaires à se convertir ainsi en aventurier ? La raison est simple. Complètement ravagé par la guerre, l’Irak est aujourd’hui un pays à rebâtir de fond en comble. Infrastructures routières, bâtiments, réseaux de télécommunications, usines, aucun secteur économique n’échappe à ce grand chantier. Le montant estimé pour mener à bien cette reconstruction s’élève à 20 milliards d’euros. Selon Nicole Brick, les français peuvent viser au moins 20% de ce total.
Un tel marché ne pouvait laisser indifférentes les entreprises françaises. Des grands groupes comme Sanofi, Renault, Schneider, Lafarge, Total, Alsthom sont déjà présents. Mais aussi des PME comme Sides qui vend des véhicules anti-incendie ou Matière, société de BTP qui a déjà réalisé un pont sur le Tigre. Les risques sont importants mais les marchés considérables. Tous les entrepreneurs opérant en Irak le répètent : ils ne sont pas là pour l’aventure, seulement pour le « bizness ». En ce temps de reconstruction, c’est maintenant qu’il faut être présent, pour s’assurer des parts de marché. La place de la France en Irak reste encore modeste avec seulement 1,4% du montant total des investissements étrangers. Celle-ci devrait cependant augmenter rapidement.
De fait, on risque de voir encore longtemps, le spectacle d’entrepreneurs enfilant le matin leur gilet pare-balle, se glissant dans un 4X4 blindé, avec deux escortes armées, et partant négocier une affaire en quelque endroit sécurisé de la ville. Cette vision a de quoi inquiéter, mais c’est aussi à ce prix, sans doute, que la paix pourra retrouver sa place dans un pays reconstruit.