« Le beaujolais nouveau c’est de la merde !» ce slogan est certainement une résultante de cette course aux arômes artificiels inaugurés dans le Beaujolais. Que ce soit le cas ou non, de toute manière le constat est là : les consommateurs déclarent ne plus aimer le beaujolais nouveau, ils le trouvent de mauvaise qualité. Il est donc vital de redorer rapidement cette image.
Le beaujolais est aujourd’hui dans une situation catastrophique. Et c’est peut-être cette situation dramatique qui va permettre à la région de repartir de plus belle, car elle lui offre l’opportunité de faire monter en gamme le produit. En effet, en 2012 le beaujolais nouveau est passé quasiment inaperçu dans l’hexagone, malgré une campagne publicitaire de 1,5 million d’euros.
Revitaliser le phénomène : de nouvelles couleurs, une nouvelle date ?
Conscient de la nécessité de revitaliser le phénomène, l’interprofession du Beaujolais a décidé récemment de promouvoir les beaujolais nouveaux blanc et rosé. Ces beaujolais nouveaux un peu « exotiques » (terme employé dans les campagnes de publicité de l’interprofession) sont produits en très faible quantité, mais ils permettent à la région de mettre en avant des « innovations », d’amener le consommateur à découvrir quelque chose de différent.
Sur le consommateur lambda, il semblerait que cette stratégie soit pour le moment positive vue le nombre d’articles sur le sujet que l’on peut recenser sur les blogs amateurs du web. Cependant, l’interprofession devrait certainement faire plus attention dans sa communication auprès des prescripteurs et spécialistes du marché, car certains commencent déjà à dénoncer la mauvaise utilisation du terme « exotiques » et « nouveautés » pour des produits sous appellation régionale depuis 1957… C’est dire si ce beaujolais nouveau blanc et rosé ne sont pas nouveaux…
Et si on changeait de cépage ?
Mais cette réflexion autour de la diversité des couleurs du beaujolais nouveau a tout de même permis à la région de se poser une vraie question : le beaujolais nouveau doit-il nécessairement être du gamay ? La réponse légale est oui pour le moment (pour le rouge et le rosé, pour le blanc seul le chardonnay est autorisé). Cependant les évolutions climatiques (hausse des températures, appauvrissement des sols, saisons moins marquées) permettent de se poser légitiment la question : le gamay est-il le cépage qui valorise le mieux le terroir du beaujolais ?
En effet certains ont, dès 2007, comme monsieur JM Burgaud, commencé à planter du syrah. Il semblerait qu’à l’heure actuelle cette expérience isolée soit peu ou prou au point mort… car ses vignes ne donnent pas de jus… pour l’heure du moins. En effet même si certains indices laissent à supposer que dans 50 ans la région aura un climat plus proche du Rhône, les vignerons ne se plaignent pas du réchauffement climatique, bien au contraire !
Plus facilement commercialisables rapidement
Aujourd’hui le constat est global en Bourgogne et en Beaujolais : les vins sont plus riches, plus mûrs et moins acides qu’il y a 30 ans ; ils sont plus facilement commercialisables rapidement. Ainsi, la plupart des acteurs de la région pensent qu’à l’avenir le gamay sera meilleur et donc ils ne voient pas l’intérêt de l’arracher pour replanter autre chose (surtout que la situation financière de la région ne le permet pas non plus).
Une autre solution envisageable est de remodeler totalement le concept en gardant ce qui fit (et fait) son succès : une date unique, une fête populaire, mais cela à une autre date qu’en novembre. En effet ce qui fait la force du beaujolais c’est le caractère universel d’une fête populaire à un seul moment de l’année et partout dans le monde, mais cette date du troisième jeudi de novembre est liée à une aventure législative et elle n’a pas vraiment de sens historique.
Un beaujolais nouveau nouveau en été?
Alors, pourquoi ne pas changer cette date ? Certains envisagent de fêter le beaujolais nouveau début décembre. Cela tomberait autour de la fête des Lumières à Lyon…qui rassemble déjà chaque année 4 millions de visiteurs, une vraie aubaine pour le beaujolais qui pourrait reconquérir son berceau et en même temps toucher des consommateurs potentiels du monde entier. Ou bien D’autres envisagent un « beaujolais nouveau nouveau » pour l’été. En effet c’est une boisson fruité, légère que l’on peut boire fraîche…n’est-ce pas la description même d’une boisson estivale ?
Quel que soit la date choisie le beaujolais doit aussi redorer son image et cela passe nécessairement par la reconnaissance des qualités gustatives du produit par les prescripteurs. Actuellement, seul le trophée Lyon-beaujolais nouveau récompense officiellement les meilleures cuvées du millésime, mais l’opacité et la faible notoriété de ce trophée font de cet outil de promotion un fantôme. Il faut aujourd’hui que la région trouve son critique. Comme le Rhône a su séduire Parker, ils ont besoin d’un référent qui puisse guider avec confiance le consommateur et ainsi sortir la région de sa léthargie…
Qu’on ne s’y trompe pas, même si la France ne représente plus que 54 % des volumes de beaujolais nouveau le phénomène doit absolument se ré-ancrer sur son marché d’origine et de cœur pour réussir à redorer son image : le bouche-à-oreille est la meilleure promotion ; car sur le long terme si les Français continuent de dire à tout le monde que « le beaujolais nouveau c’est de la merde », prôné par Lyon Mag en 2003 (condamné par ailleurs à verser 284 000 € de dommages et intérêts à la région) alors bientôt tout le monde le croira…