Nomination

Anne-Isabelle Etienvre : une physicienne à la tête du CEA

Administratrice générale

49 ans

En juillet 2025, Anne-Isabelle Etienvre est devenue la première femme à diriger le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), une institution au cœur de la stratégie scientifique et énergétique française. Sa nomination marque un tournant symbolique et politique dans un domaine longtemps dominé par les hommes. À la fois physicienne, chercheuse et administratrice aguerrie, elle incarne une nouvelle génération de dirigeants scientifiques capables de concilier recherche fondamentale, enjeux industriels et impératifs écologiques.

Un parcours d’excellence au service de la science

Agrégée de sciences physiques et diplômée de l’École normale supérieure de Paris-Saclay, Anne-Isabelle Etienvre s’est spécialisée très tôt dans la physique des particules. Elle rejoint le CEA en 2003, où elle gravit progressivement tous les échelons. D’abord ingénieure-chercheuse à l’Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers, elle en devient directrice avant de prendre la tête de la direction de la recherche fondamentale. Ce parcours interne, rare dans une institution aussi complexe, lui confère une connaissance intime du fonctionnement du CEA, de ses laboratoires à ses centres de décision.

Son style de management se distingue par une approche scientifique rigoureuse, doublée d’une volonté de rendre la recherche plus transversale. Elle prône un rapprochement entre la science fondamentale et les applications industrielles, notamment dans les domaines de l’énergie nucléaire, des énergies renouvelables et de la santé. Sa nomination a également été saluée pour son engagement en faveur de la mixité et de la place des femmes dans la recherche, un enjeu encore crucial dans les institutions technologiques.

Entre ambitions et controverses

Si sa nomination a été largement saluée, elle n’échappe pas aux critiques. Certains observateurs ont pointé le risque d’une continuité trop marquée avec la direction précédente, estimant que le CEA avait besoin d’une refondation plus profonde pour répondre aux défis énergétiques et climatiques. D’autres lui reprochent une proximité jugée excessive avec les cercles politiques et les grands industriels du nucléaire, craignant une moindre indépendance scientifique dans les orientations stratégiques du CEA.

Des voix internes ont également exprimé des inquiétudes concernant la répartition des moyens entre recherche fondamentale et projets appliqués. Sous sa direction précédente, plusieurs chercheurs avaient déploré un recentrage du CEA sur les programmes à impact économique immédiat, au détriment des recherches exploratoires. Certains syndicats craignent que cette tendance ne s’accentue, surtout dans un contexte budgétaire tendu.

Par ailleurs, son arrivée à la tête du CEA coïncide avec un débat public plus large sur la relance du nucléaire civil en France. Si Anne-Isabelle Etienvre soutient cette orientation comme un pilier de la transition énergétique, ses prises de position suscitent des critiques de la part des défenseurs d’une transition 100 % renouvelable. Elle assume toutefois cette ligne, affirmant que la France ne peut garantir sa souveraineté énergétique sans innovation nucléaire et diversification technologique.

Un mandat sous haute surveillance

Anne-Isabelle Etienvre hérite d’une institution à la croisée des chemins. Entre la relance de la filière nucléaire, la recherche en fusion, les enjeux de cybersécurité et le développement des énergies alternatives, son mandat s’annonce stratégique. Son défi sera de maintenir l’excellence scientifique du CEA tout en renforçant sa capacité à innover dans un contexte international marqué par la compétition technologique et la contrainte climatique.

À 50 ans, elle incarne une génération de scientifiques pragmatiques, convaincus que la science et la politique doivent dialoguer pour construire un avenir durable. Ses premières décisions seront scrutées avec attention, tant par la communauté scientifique que par les décideurs publics. Entre attentes, résistances et espoirs, Anne-Isabelle Etienvre s’apprête à écrire une nouvelle page de l’histoire du CEA, où la science, la technologie et la société devront avancer de concert.

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