John Elkann, digne héritier du clan Agnelli
PDG de Fiat
Il n’a que 38 ans, et dirige la plus grosse entreprise privée d’Italie. Dans son giron, des marques prestigieuses telles que Ferrari, Maserati, Alfa Roméo, mais aussi Chrysler, Dodge, Jeep… Pourtant, l’itinéraire du petit-fils de Giovanni Agnelli a souvent emprunté des routes sinueuses, entre drames familiaux et défis professionnels. Fiat ne semble jamais s’être aussi bien porté. Depuis le rachat du groupe Chrysler, les comptes sont au vert, et l’entreprise, en grande difficulté au début des années 2000, a renoué avec les bénéfices. John Elkann n’est pas étranger à ce succès. Lui qui avait intégré l’entreprise dans ses heures les plus sombres a su faire profil bas, apprenant les ficelles du métier aux cotés de Sergio Marchionne, grand gestionnaire et spécialiste des situations de crise. Aujourd’hui, Fiat compte 225 000 employés, enregistre un chiffre d’affaires avoisinant les 87 milliards d’euros et ses résultats nets ont bondi de 50% en 2013.
Un destin hors-normes
Il serait facile d’imaginer la vie de ce fils de famille, promis dès son plus jeune âge à un destin tout tracé, bénéficiant des largesses de l’une des plus puissantes dynasties industrielles. Mais les évènements en ont voulu autrement, et John, en sa qualité d’ainé d’une famille nombreuse, a dû très vite faire face à des responsabilités que beaucoup auraient considérées comme insurmontables. Fils de Margherita Agnelli et d’Alain Elkann, écrivain franco-italien, John nait le 1er avril 1976 à New-York, bientôt rejoint par un frère, Lapo, et une sœur, Ginevra. A ceux-là s’ajoutent encore cinq demi-frères et sœurs, issus du remariage de sa mère en 1981. Le divorce s’avère difficile à supporter pour ces jeunes enfants, et John doit s’endurcir pour protéger la fratrie. Cette responsabilité, très tôt héritée, de « chef de clan », concorde avec son caractère sérieux et appliqué. Sa famille voyage énormément, et John effectue sa scolarité au Brésil, puis à Paris, où il obtient son bac. Pour ses études d’ingénieur, il rejoint Turin, le fief familial, avec un solide bagage en langues étrangères.
Thèse, antithèse et synthèse
Etudiant studieux, son profil contraste avec celui de son frère Lapo. John ne boit que très rarement, ne fume pas et se marie en 2004 avec Lavinia Borromeo, qui lui donne deux fils et une fille, tandis que son cadet enchaîne les conquêtes et les fêtes jusqu’à l’excès. Pourtant, un profond lien les unit, et les deux frères semblent chacun refléter une facette de la personnalité de « Gianni », le grand-père légendaire. John ne se départira jamais de son rôle protecteur, même dans les pires moments que la famille sera amenée à traverser. Une dépendance à la drogue de Lapo qui a bien failli lui couter la vie, des décès en série au début des années 2000, une brouille avec sa mère sur fond d’héritage et de communiqués d’avocats font partie des évènements auxquels John a dû faire face.
Une affaire de famille
Son cousin Giovanni était pressenti pour hériter de la présidence du groupe, mais un cancer foudroyant l’emporte à 33 ans. C’est à l’âge de 22 ans que John Elkann est coopté par son grand-père, alors tout puissant patron du groupe Fiat. Le jeune homme, qui mène de front des études de polytechnicien à Turin, s’attèle immédiatement à la tâche, tout en effectuant incognito des stages dans les divers secteurs de la marque. On le croise sur une chaine de montage en Pologne, dans une concession à Lille, dans une usine de phares en Grande-Bretagne. Il hérite donc d’une entreprise qu’il connait dans ses moindres recoins, et dont il ne lui faudra que six années avant d’en conquérir tous les pouvoirs. De plus, depuis 2008, il gère la puissante holding Exor représentant les intérêts financiers de la famille Agnelli.
Une personnalité qui compte
La renommée de John Elkann ne se confine pas à la Péninsule. Loin de la jet-set et de ses frivolités, il compte parmi ses amis proches Henry Kissinger, Carla Bruni, Michel Platini ou encore Mario Monti. Sportif, il ambitionne d’effectuer un tour du monde à la voile et scrute avec attention les résultats de la Juventus, qui appartient à Exor, et de Ferrari, dont les contre-performances ont entrainé le départ du fidèle Luca di Montezemolo le 10 septembre. Pas question de négliger la marque au cheval cabré, qui sert de vitrine à Fiat, et qui représente 15% de ses résultats. Les challenges qui attendent John Elkann sont encore nombreux, dans un secteur hautement concurrentiel et en pleine mutation. Mais son expérience déjà solide, ainsi que sa culture d’entreprise aguerrie lui permettront très certainement d’assurer la continuité d’une marque chère aux italiens. Sans compter l’affection vouée à la famille Agnelli, plus beau symbole de réussite en Italie.