Eric Schmidt: l’ancien patron de Google devenu conseiller du Pentagone
Tout commence en juillet 2016, lorsque Raymond Thomas, un général de renom à la tête du commandement des Opérations Spéciales américaines, se retrouve à devoir gérer un invité tout aussi célèbre: Eric Schmidt. À l’époque, l’homme d’affaire n’est plus le directeur de Google, mais il est le président exécutif d’Alphabet Inc., la nouvelle holding qui englobe la compagnie en question.
La guerre aux businessmen?
Le général Thomas, après un service dans la première guerre du Golfe et plusieurs déploiements en Afghanistan, doit servir de guide à l’exubérant milliardaire. La visite se concentre particulièrement autour des prototypes d’exosquelettes, et quelques séances d’information sur les opérations en cours. Schmidt est apparemment très intéressé, plein de questions, probablement parce qu’il avait récemment débuté une nouvelle carrière dans le conseil technologique auprès de l’armée.
Après la visite, sur la route de l’aéroport, Schmidt s’attire l’antipathie du général en affirmant que les Opérations Spéciales sont tout bonnement incompétents dans le domaine de l’apprentissage automatiques et des algorithmes. «Si je pouvais entrer dans la tente de commandement une seule journée, je pourrais résoudre la plupart de vos problèmes» affirme-t-il non sans aplomb. Raymond Thomas racontera plus tard s’être senti tellement offensé qu’il a dû se retenir d’éjecter Schmidt de la voiture en mouvement
4 ans plus tard et partant de ce postulat, l’ancien PDG de Google a pris à cœur de repenser le système de défense américain, à grands renforts d’ingénieurs, de logiciels et d’intelligences artificielles. À 65 ans, le milliardaire est devenu le premier canal de communication entre la Silicon Valley et les instances de la sécurité nationale aux États-Unis. Il est désormais membres de deux comités de conseil gouvernementaux visant à relancer l’innovation technologique au sein du Département de la Défense.
À ses côtés, se retrouve souvent l’ancien secrétaire d’État Henry Kissinger ainsi que l’ex-adjoint au ministère de la Défense, Robert Work. De plus, Schmidt a injecté des millions de dollars issus de sa fortune personnelle dans plus d’une demi-douzaine d’entreprises spécialisées dans la défense.
La vue depuis la Vallée
Depuis quelques années, Eric Schmidt détaille les raisons qui l’ont poussé à s’intéresser au département de la Défense. Cette rencontre avec le général Thomas lui a ouvert les yeux sur la situation de l’armée américaine. Selon lui, la technologie utilisée par l’armée était restée «bloquée dans les années 80».
Celui qui se définit comme un technologue incapable de se mettre à la retraite voulait rembourser son pays, à qui il dit devoir sa fortune. Retiré de la direction de Google, il avait enfin le temps de s’attaquer à ce qui lui semblait être le problème majeur de l’Amérique. Son but était d’aider à la multiplication des entreprises technologiques, pour les encourager à produire des logiciels pouvant aider sur les tous les fronts de la défense. Protection des informations, service de renseignements, systèmes d’armement… Autant de systèmes qui lui semblaient archaïques et devaient être repensés.
Plus qu’un simple conseiller, Eric Schmidt prend d’assaut les systèmes de pensée du Pentagone en prônant une doctrine propre à la Silicon Valley. Effectivement, pour le milliardaire et ses anciens collègues, l’intelligence artificielle et les nouvelles technologies sont les meilleures solutions à la plupart (si ce n’est la totalité) des problèmes. Dans une Amérique chamboulée par la désinformation ou le piratage effectués sur les réseaux sociaux, Schmidt campe sur ses positions. Il continue de faire l’apologie des nouvelles Tech qui seront, selon lui, les armes les plus efficaces dans la compétition entre la Chine et les USA.
Cependant, les liens de Schmidt avec Google complexifient ce techno-enthousiasme. Bien qu’il en ait quitté le conseil d’administration en juin dernier, et qu’il n’est officiellement plus aucune responsabilité de décision, il détient toujours quelques 5,3 milliards de dollars de part chez Alphabet Inc, société mère de Google.
Ses détracteurs se servent régulièrement de ces chiffres pour affirmer qu’Eric Schmidt utilise sa position au Pentagone pour faire avancer les intérêts économiques de Google. Des allégations qui sont naturellement niées par le principal intéressé.
Et même sans ces complications, réorganiser en profondeur la culture de l’armée américaine n’est évidemment pas une simple affaire. Alors que Schmidt a participé à un bon nombre de rapports et de recommandations auprès du Pentagone, très peu ont été mis en application. Une lenteur d’exécution qui a tendance à frustrer le milliardaire habitué à l’instantanéité de l’entrepreneuriat, alors même que les militaires lui assurent que le changement progresse rapidement.
Encore une fois, il y a un choc entre deux cultures, et même entre deux temporalités, cristallisées par l’assaut d’Eric Schmidt sur les fondations du système militaire américain.
Photos : welt.de – sputniknews.com – times.com
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54 ans Entrepreneur et fondateur de Parrot