Portrait de Jean-Michel Gentil
Biographie

Jean-Michel Gentil

Magistrat français

53 ans

Il alimente toutes les conversations ; mais personne ne le connaît vraiment... En trente ans de carrière, il n’a accordé aucune interview à la presse ; et seules deux photos de lui ont été publiées. Qui est donc Jean-Michel Gentil ? Un magistrat à la recherche de la vérité ou un juge de province en quête de notoriété ?

Le chevalier blanc de la magistrature

Né en 1960 à Saumur, ce fils de garagiste est un pur produit de la méritocratie républicaine. Travailleur, J-M. Gentil gravit les échelons de la société après un parcours scolaire brillant : Sciences Po Bordeaux, licence de droit, Ecole nationale de la Magistrature (ENM). Sorti 42ème sur 243 en 1984, il fait le choix de l’instruction. Pas par conviction professionnelle – il aurait préféré devenir juge des enfants, mais plutôt par confort personnel. Il aime la navigation, et son premier poste à Dunkerque lui permettra d’en profiter largement.

C’est au tribunal de Nanterre, où il est nommé en 1991, qu’a lieu son premier fait d’armes. Le juge Gentil s’attaque à un réseau de proxénétisme, dans lequel des policiers sont impliqués. Ces derniers seront blanchis, mais il commence déjà à se forger une réputation de magistrat pugnace et indépendant.

Quelques années plus tard, il récidive en Corse, où il met en examen Me Antoine Sollacaro pour violation du secret de l’instruction. C’est un tollé ! Me Sollacaro est une figure locale, le ténor du barreau, le défenseur d’Ivan Colonna… Ses confrères – une soixantaine – manifestent devant le tribunal d’Ajaccio, dont ils cadenassent les grilles. Sans se laisser démonter, le juge Gentil ira lui-même demander aux manifestants de lui ouvrir la porte !

Après une parenthèse de 2 ans, pendant laquelle il enseigne à l’ENM, il revient aux affaires en 2004, cette fois comme vice-président chargé de l’instruction au tribunal de grande instance de Bordeaux. Affecté à la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS), il enchaîne depuis lors les affaires médiatiques.

Gentil : un juge aux méthodes musclées

C’est à partir de décembre 2010 qu’il est chargé du dossier Bettencourt, dépaysé à Bordeaux. Avec ses collègues Cécile Ramonatxo et Valérie Noël, le juge Gentil s’enferme dans les bureaux sécurisés de la JIRS et reprend l’affaire de A à Z.

S’il parvient à mener l’instruction à son terme, ses « méthodes de cowboy » ne seront pas toujours du goût de la défense. En 2011, il met en examen le photographe François-Marie Banier après lui avoir fait passer deux jours en garde à vue ; en 2012, l’ancien gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, Patrice de Maistre, restera trois mois en détention provisoire. Le magistrat convoquera même son collègue, Philippe Courroye, jugé trop proche de Nicolas Sarkozy.

Car, peu à peu, l’étau se resserre autour de l’ancien Président de la République. Le 22 novembre 2012, le juge Gentil l’auditionne pendant plus de 12 heures. Il s’agit de déterminer si, en 2007, les Bettencourt ont financé la campagne du candidat Sarkozy dans des proportions qui dépassent les seuils légaux. Si le magistrat le laisse d’abord repartir avec le statut de témoin assisté, il finira par le mettre à son tour en examen pour abus de faiblesse en mars 2013. Sans prévenir le parquet, contrairement aux usages de la magistrature…

Un homme apolitique

L’UMP crie au scandale et à l’acharnement politique ! Henri Guaino, l’ancienne plume de Sarkozy, va même jusqu’à lui reprocher de « déshonorer un homme, les institutions, la justice ». Plus grave, le juge reçoit des menaces de mort de la part d’un mystérieux collectif qui l’accuse de faire partie d’un « groupuscule de juges rouges ».

Ces accusations sont pourtant peu fondées, car, tout au long de sa carrière, le juge Gentil a brillé par son apolitisme. De fait, il s’est attaqué aussi bien à la gauche qu’à la droite, et ses prises de position publiques sont rarissimes. En 1998, s’il s’oppose à la réforme Guigou de l’instruction, c’est en tant que président de l’Association française des magistrats instructeurs (AFMI).

Son principal faux-pas, il le commet en juin 2012. Cinq jours avant de lancer des perquisitions chez Nicolas Sarkozy, il co-signe – avec 81 magistrats – une tribune qui dénonce la volonté du gouvernement de dépénaliser le droit des affaires. Certains y ont vu une manière pour lui de s’opposer à celui qui avait voulu supprimer la fonction de juge d’instruction…

Quel avenir pour le juge Gentil ?

Nommé pour 10 ans à la tête de l’IFRS, Jean-Michel Gentil devra changer de poste en décembre 2013. L’an dernier, il a postulé sans succès au tribunal de grande instance et à la cour d’appel de Paris. Peut-être que la nouvelle Chancellerie sera plus favorable à la carrière d’un juge intrépide qui aura fait trembler les premiers cercles du pouvoir !