Jean-Charles Naouri, PDG du Groupe Casino, évince son rival Abilio Diniz et prend la tête du géant brésilien GPA
Jean-Charles Naouri et Abilio Diniz, dessin de Joep Bertrams publié dans Courrier international.
Alors que la crise prend ses quartiers d’hiver, le PDG du Groupe Casino Jean-Charles Naouri va chercher la croissance hors de nos frontières. Son dernier fait d’armes : la prise de contrôle totale de Grupo Pão de Açúcar (GPA), le leader historique de la grande distribution au Brésil. Cette victoire met un terme à une lutte acharnée en Jean-Charles Naouri et Abilio Diniz, l’ancien dirigeant de GPA.
La nouvelle est tomée le 9 octobre 2013. Dans un style sobre et concis, le Groupe Casino a annoncé la nomination de Jean-Charles Naouri à la tête du Board of Directors de Grupo Pão de Açúcar (GPA).Cette nomination n’a pas particulièrement ému les médias ou l’opinion public. Il s’agit pourtant d’un vrai événement.
Car la lutte a été longue. Jean-Charles Naouri s’est longtemps heurté à Abilio Diniz, son vis-à-vis brésilien et descendant des fondateurs de GPA, avant d’arriver à une « conclusion mutuellement satisfaisante ». Connu pour sa discrétion, Jean-Charles Naouri n’ pas particulièrement célébré fin d‘un conflit qui aura duré plusieurs mois. Sa victoire est pourtant totale. Un petit pas pour l’homme donc, mais un pas de géant pour le Groupe Casino.
La saga Casino, de Saint-Etienne à São Paulo
Propriétaire d’une épicerie située dans l’ancien Casino lyrique de la capitale stéphanoise, Geoffroy Guichard fonde en 1898 les Magasins du Casino et Établissement économiques d’alimentation. L’entreprise voit progressivement son nombre de magasins croître et innove tous azimuts : lancement de produits en “marque distributeur”, création de l’ancêtre du consumer mag en dès le début des années 1900, création d’une caisse de retraite, d’une prime à la naissance pour les familles nombreuses,etc.
Décennie après décennie, le Groupe Casino grandit et progresse avant d’entrer dans une nouvelle dynamique suite à l’arrivée au capital de Jean-Charles Naouri. L’homme d’affaires passé par l’Inspection des Finances et deux ministères mène la fusion avec le distributeur Rallye en 1992. L’opération est un succès qui permet d’accélérer la croissance du Groupe Casino en France et à l’international. L’enseigne fait des envieux et Promodès tente d’en prendre le contrôle en 1997. Naouri mène la riposte là encore avec succès et prend le contrôle du Groupe avec le soutien de la famille Guichard et des salariés.
Fort de la confiance de ses collaborateurs, jean-Charles Naouri déroule sa stratégie : valoriser le commerce de proximité en France et chercher la croissance dans les pays en fort développement. Le Brésil apparaît alors comme tout désigné, et Casino s’y implante dès 1999 en investissant massivement dans GPA, premier distributeur du pays. En un siècle, ce qui n’était qu’un petit magasin au cœur de la Loire s’est ainsi transformé en Groupe mondialisé, doté d’un dirigeant bien décidé à poursuivre l’aventure.
Jean-Charles Naouri et Abilio Diniz : une parties d’échecs au sommet
Entre 1999 et 2005, le Groupe Casino investit plus d’un milliard d’euros dans GPA. Durant cette période, Abilio Diniz reste le chef incontesté du Groupe brésilien. Sa tentative de rapprochement avec Carrefour va sonner le glas de cette période dorée. Naouri refuse de regarder partir sa filiale chez son rival et s’engage dans un bras de fer avec Diniz.
Le duel se transforme en lutte d’influence à mesure que les deux rivaux tentent de faire valoir leurs droits tout en mobilisant des partenaires. Si Abilio Diniz n’est pas un enfant de chœur, Jean-Charles Naouri n’est pas un débutant. Naouri apparaît alors comme un homme d’action. Comme à l’époque de l’OPA lancée par Promodès, il ne lâche rien et recherche des soutiens.
Une fois de plus, Casino remporte la victoire. Un accord entre les deux hommes est signé début septembre et Abilio Diniz laisse sa place à Jean-Charles Naouri dont le leadership au sein de GPA devient incontestable.
Une stratégie implacable à l’international
Si l’on considère l’épisode brésilien dans sa totalité, on comprend mieux le modus operandi de Casino. Alors que certains tentent de pénétrer de nouveaux marchés par la petite porte, le Groupe français refuse de tâtonner.
Sa technique consiste à investir de façon massive dans le key player local afin de consolider sa position et de minimiser les risques. Ce schéma a été utilisé au Brésil avec GPA, mais également en Thaïlande avec Big C.
Actionnaire majoritaire et PDG du Groupe Casino depuis des années, Jean-Charles Naouri ne semble donc pas vouloir déposer les armes. Son dernier coup d’éclat au Brésil illustre bien sa volonté de rester aux commandes d’un géant qu’il souhaite protéger à tout prix.
Crédits photos : Groupe Casino – Photos officielles de Jean-Charles Naouri