Animal Crossing, croisement de produits

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Best-seller ludique de l’année 2020, Animal Crossing n’a pas uniquement suscité l’engouement des joueurs : les entreprises et partis politiques y ont vu une remarquable opportunité de développement. Au point de provoquer l’ire de Nintendo.

Une île vierge, sur laquelle le joueur qui vient de s’y établir pourra évoluer librement, au gré de ses envies. Reprenant la philosophie, très répandue depuis le célèbre Minecraft, du ‘jeu bac à sable’, Animal Crossing New Horizons propose une aventure totalement libre, permettant de s’adonner à des activités aussi variées que la pêche, la décoration d’intérieur ou l’interaction avec les personnages du jeu. 

Symbolisées par de gentils animaux anthropomorphes, ces créatures ne sont pas les seules à déambuler dans cet univers connecté. Des millions d’autres joueurs s’y croisent et communiquent entre eux, laissant entrevoir une nouvelle forme de business model pour les entreprises en quête de visibilité.

Succès planétaire

Depuis sa sortie en mars dernier sur la console Switch, le jeu, qui en est à son huitième opus, s’est déjà vendu à plus de 26 millions d’exemplaires. Cet énorme succès a été couronné par l’attribution des titres de « Meilleur jeu Nintendo 2020 » et de « Meilleur jeu familial ». Ce plébiscite, tant de la part des joueurs que de la critique, n’a pas tardé à attirer les responsables marketing. Des millions de joueurs de tous âges, genres et conditions sociales interconnectés entre eux, ainsi que des possibilités de création et de personnalisation poussées à l’extrême représentent une vitrine rêvée pour les publicitaires. Très vite, ils ont été des dizaines, puis des centaines à s’engouffrer dans la brèche.

Image de marque

Premières à déceler les potentialités du jeu, les marques de mode se sont montrées extrêmement réactives, en proposant d’habiller l’avatar du joueur par l’équivalent virtuel de vêtements bien réels. Marc Jacob et Valentino ont agi ainsi, Gemo, Gucci, ou encore le canadien Hudson’s Bay entrant à leur tour dans la danse. D’autres, moins impliqués, se sont contentés de disséminer des liens vers leur page Instagram ou Facebook. La présence massive, dans le jeu, de l’industrie de la mode et du prêt-à-porter s’explique en grande partie par le fort ralentissement des ventes physiques en période de confinement. En parallèle, Animal Crossing, sorti en pleine crise de la Covid-19, a séduit de par son côté rassurant, bienveillant, tout en offrant un espace de liberté particulièrement apprécié au cours d’une période riche en restrictions.

Fast food et politiciens

Les marques de vêtements ne sont pas les seules à s’être implantées dans le jeu : Burger King, 7-Eleven, Ikea et Starbucks ont créé leurs espaces, distribuant codes de réductions, offres promotionnelles et communications publicitaires. Une telle vitrine ne pouvait que séduire le monde politique, Joe Biden ayant tenu, le temps de la campagne présidentielle, sa propre île baptisée Biden HQ

Cette présence dans un univers virtuel n’est pas inédite : dès l’aube des années 2000, Second Life offrait peu ou prou les mêmes possibilités, mais avec une audience incomparablement plus restreinte. Plus récemment, Louis Vuitton a signé un partenariat avec le jeu Leagues of Legends, montrant tout l’intérêt que les marques institutionnelles éprouvent envers les mondes virtuels.

Îles à la dérive

Ces intrusions, à la fois mercantiles et politiques, ne finiraient-elles pas par nuire à l’expérience ludique ? C’est en tout cas ce que pense Nintendo, qui semble bien décidé à chasser les marchands du temple de son jeu. Le 19 novembre, le géant nippon a publié un avertissement menaçant de bannir tout compte véhiculant un message politique ou commercial. Cela symbolisera-t-il la fin de cette forme de marketing ? En ajoutant à ses clauses une possibilité d’autorisation expresse, Nintendo laisse entrevoir de nouvelles formes de partenariat, qui régulent une implantation mercantile qui échappait jusqu’alors à tout contrôle.

Photos : airofmelty.fr / theverge.com