Dacia : la saga d’une marque pas comme les autres

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Du Bucarest de Ceausescu aux podiums du salon de l’auto, du véhicule à 5000 euros au dernier modèle tout électrique, Dacia est un constructeur qui aura surpris à plus d’un titre au cours de son existence.

Celle-ci commence en Roumanie, en 1966. Le pays du bloc de l’Est, dont Ceausescu a pris les rênes un an plus tôt, est alors désireux de se doter d’une marque propre à démontrer son savoir-faire industriel. Baptisée Dacia en référence aux redoutables Daces qui régnaient sur le territoire roumain durant l’Antiquité, la marque doit avant tout lancer un appel d’offre auprès de constructeurs européens.

Totalement novice tant en matière de conception que de production automobile, le pays doit se contenter d’une exploitation sous licence. Seule une usine d’assemblage sera dans un premier temps construite sur le site de Pitesti, tous les éléments nécessaires à la production du véhicule étant expédiés depuis l’étranger.

Genèse d’un long partenariat

En lice parmi de nombreux constructeurs, Renault remporte le challenge en présentant le prototype de la future R12. Cette dernière répond au cahier des charges établi par Dacia : il s’agit d’un véhicule familial, tout à la fois moderne et simple de construction. La licence d’exploitation, qui doit durer huit ans, devra permettre à terme une production 100 % roumaine. Comme la version finale de la R12 n’est prévue que pour l’année 1969, c’est un autre modèle, la R8, qui inaugure les chaînes de montage de Pitesti.

Bien que le marché automobile roumain soit à l’époque assez peu développé, le protectionnisme économique en vigueur garantit à Dacia une très large part des ventes de véhicules. Au cours des décennies suivantes, la R12 roumaine, plus connue sous le nom de Dacia 1300, est déclinée dans des versions citadines, en berlines familiales ou en utilitaires, qui sillonnent les routes de Roumanie en faisant preuve d’une incroyable longévité.

Lancée en 1969, la 1300 connaît en tout sept déclinaisons jusqu’à la fin de sa production en 2004. En 35 ans, ce véhicule phare de la marque est fabriqué à plus de deux millions d’exemplaires.

Dans la tourmente des années 1990

Le constructeur traverse tant bien que mal le changement de situation politique et économique qui marque les années 1990, sans se douter qu’un nouveau souffle l’attend bientôt. Pour l’heure, l’entreprise peine à se montrer rentable, et ses ventes ne sont plus aussi satisfaisantes qu’autrefois.

Pourtant, les ingénieurs roumains élaborent en 1996 un modèle exclusivement conçu et fabriqué en Roumanie, la Nova, qui remporte un certain succès tout en démontrant leur savoir-faire. Mais cela demeure insuffisant pour un gouvernement roumain qui s’inquiète pour son industrie nationale et tente de trouver un partenaire capable de la relancer.

Pour des raisons historiques, la marque au losange est contactée en priorité dès 1996. Louis Schweitzer qui préside Renault, hésite. Si l’état de l’entreprise n’est pas des plus satisfaisants, les avantages d’un tel partenariat pourraient se révéler évidents pour le projet qui taraude Louis Schweitzer depuis une visite en Russie. Ce dernier s’était montré admiratif devant le constructeur Lada, capable de produire des véhicules certes techniquement en retrait, mais se vendant à bas prix et répondant à une réelle demande. Le principe pourrait-il être appliqué ailleurs en Europe ?

La Logan, un pari risqué

En 1999, Renault concrétise sa prise de participation dans la marque roumaine. Le constructeur français entre à hauteur de 51 % dans le capital de Dacia, part qui évoluera jusqu’à 99,3 % en 2002. Les usines de Dacia sont alors sollicitées pour un projet en total contre-courant de la production de l’époque : commercialiser pour 5000 euros, une voiture familiale fiable et attirante. La Logan est élaborée, donnant aux ingénieurs en charge la difficile mission de réduire les coûts au maximum sans pour autant négliger la qualité du véhicule.

Dans le même temps, Renault investit 489 millions d’euros pour moderniser l’usine de Pitesti, permettant de porter la production à 200.000 véhicules par an. Dubitatifs, les autres constructeurs automobiles observent ce pari fou qui pourrait coûter très cher à Renault.

En 2004, le premier modèle de Logan est présenté et remporte un succès immédiat. Tout d’abord exclusivement réservée au marché roumain, la voiture est ensuite distribuée l’année suivante en Hongrie, République tchèque, Turquie et Slovaquie. Dès juin 2005, la Logan est présente sur tous les marchés européens puis mondiaux. Depuis lors, 6,5 millions de véhicules arborant le logo Dacia ont été vendus, qu’il s’agisse de Logan, Sandero, Duster, Lodgy ou Dokker.

Le prochain modèle, la Spring, véhicule 100 % électrique, ne déroge pas à la philosophie de la marque et se veut tout à la fois moderne, robuste et abordable.

Sources des photos : group.renault.com et Largus.fr