Au royaume des robots, le chômage sera-t-il roi ?
Selon Stephen Hawking, l’émergence d’une société entièrement robotisée devrait accentuer à l’extrême les inégalités sociales. Mais c’est sans compter sur les ressources créatives de la machine humaine.
Devant les progrès de la robotique, l’intervention humaine devient de moins en moins indispensable. Beaucoup s’en réjouissent lorsque leur aspirateur intelligent nettoie leur salon en leur absence ou lorsque leur voiture effectue elle-même un créneau dans un tout petit espace. Certain métiers dangereux ont bénéficié des progrès de la robotique. Dans le domaine militaire, du déminage, de la conquête spatiale, du nucléaire, le remplacement de l’homme par le robot a certainement sauvegardé de nombreuses vies. L’armée américaine a même initié un nouveau moyen de faire la guerre sans aucune victime dans ses rangs en employant des drones pilotés à distance depuis les Etats-Unis et capables d’effectuer des frappes à l’autre bout du monde, notamment au Pakistan.
Mais l’omniprésence de la robotique, accélérée par les progrès de l’intelligence artificielle et la réduction du prix des composants électroniques, est également vue par beaucoup comme une menace économique. Dernièrement, le physicien Stephen Hawking a fait part de ses craintes de voir dans le futur une société très inégalitaire, clivée entre les riches, dont le confort serait apporté par les robots et les pauvres qui ne pourraient plus vendre leur travail face à des machines plus performantes que les humains.
Nos emplois remplacés par des circuits intégrés
En fait, la crainte du remplacement de l’homme par la machine ne date pas d’hier. Beaucoup d’emplois ont déjà été remplacés progressivement par des ordinateurs. Au péage des autoroutes, la plupart des guichetiers ont disparu. Même chose dans les gares avec l’émergence des distributeurs de tickets, puis des billets électroniques. Dans l’agriculture, l’utilisation de la force animale, puis de la machine, a diminué la demande en main d’œuvre dans ce secteur et a favorisé l’émergence, notamment outre-Atlantique, de gigantesques exploitations gérées par très peu d’hommes.
L’homme plus cher que le robot
Le danger ne vient pas seulement de la sophistication des robots, mais de la réduction progressive de leurs coûts. Car la robotique a aussi un coût : en conception, acquisition et renouvellement de matériel, en utilisation de matières premières pour la production de biens, en énergie (même si avec le développement des énergies renouvelables, ils pourraient tendre vers l’autonomie), en maintenance ou encore en contrôle de la production.
Économiquement, le robot devient un danger lorsque sont coût est inférieur à celui d’un employé. En plus d’être une menace pour de nombreux emplois, la robotique pourrait être un frein au progrès social, et notamment à la revalorisation des salaires.
Le marché du travail a réussi à s’adapter
Certes beaucoup de métiers ont disparu, surtout lors des dernières décennies. Certes les délocalisations et la mécanisation ont pesé sur le marché de l’emploi. Mais beaucoup de nouvelles fonctions ont vu le jour. Qui aurait imaginé il y a un siècle que ses petits enfants deviennent YouTubers, Webdesigners, social media marketing managers ou développeurs d’applications mobiles ?
Si le e-commerce a fait disparaître de nombreuses boutiques, il est l’occasion pour tout un chacun d’ouvrir depuis son salon un commerce à l’échelle mondiale. Cela a d’ailleurs contribué au développement du secteur logistique qui concentre de nombreux emplois.
Si la dématérialisation de l’information a précarisé les journalistes ou les kiosquiers, elle a ouvert la porte à une flopée de blogueurs, qui sans passer par les étapes traditionnelles de recrutement, ont réussi à se faire un nom et à vivre de leur plume.
Vers une économie du contenu ?
L’intelligence artificielle a fait d’énormes progrès et pourrait se substituer à l’être humain dans des tâches intellectuelles. A Hong Kong, un robot est par exemple membre du conseil d’administration d’une entreprise. Ses analyses statistiques fines font que ses prises de décisions sont tout autant prises en compte que celles d’êtres humains.
Mais rien ne remplacera la chaleur altruiste et la créativité produites par l’être humain. Dans tous les secteurs, l’emploi est en pleine mutation. Nous entrons dans une société de contenu. Si la machine produit des supports à moindre frais, elle n’est pas capable de penser avec sensibilité le design d’un objet qui sera produit par une imprimante 3D, de réaliser une publicité humoristique, d’accompagner un patient comme le ferait un psychologue. Les métiers de la communication ont explosé avec l’émergence d’Internet et des réseaux sociaux. Avec le développement technologique, de nouveaux métiers, de nouvelles disciplines vont voir le jour dont nous ne pouvons pas imaginer la nature.
Même si l’artisanat de qualité connaît une nouvelle demande, les métiers manuels tendent à disparaître au profit d’un travail de plus en plus dématérialisé. Avec l’émergence d’une génération DIY (Do It Yourself), jardiner, coudre, ou cuisiner soi-même est de plus en plus considéré comme un loisir et non plus comme un travail.
Le capitalisme a besoin de consommateurs
La théorie de Hawking selon laquelle la robotique créera une répartition très inégale des richesses ne prend pas en compte le fait que le capitalisme ne peut vivre que s’il y a consommation et circulation des richesses. Au delà de la satisfaction des besoins primaires, la précarisation de la population est un frein à cette consommation. Si l’on prend l’exemple de l’industrie automobile, à quoi bon remplacer chaque homme par un robot, automatiser entièrement la production d’une voiture pour la rentabiliser au maximum si personne n’a les moyens d’acheter un véhicule neuf ?
Car face à la perte de son pouvoir d’achat, l’être humain sait se montrer inventif et adapter ses modes de consommation. La robotisation signera-t-elle malgré elle la fin de la société capitaliste et l’émergence d’une économie collaborative comme annoncée par Rifkin, mettant en avant l’utilisation des objets plutôt que leur possession. Le covoiturage va-t-il peu à peu tuer l’industrie automobile qui misait sur le rêve de toute une génération de posséder une, voire deux voitures par foyer ? Autrement dit, à trop vouloir minimiser le coût représenté par l’humain, certains secteurs ne vont-ils pas scier la branche sur laquelle ils sont assis ?