Patrick Puy, profession : médecin urgentiste des entreprises en difficultés

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Appelé à l’aide par les quatre fonds d’investissement actionnaires du groupe Vivarte, Patrick Puy prend la direction de Novartex en octobre 2016. Une dette colossale et des pertes accumulées depuis plusieurs années ont asphyxié la maison mère des marques André, la Halle et Kookaï, au bord de la faillite. Fort du succès de ses missions chez Smoby en 2007, et Spir Communication en 2016, Patrick Puy s’est forgé la réputation d’être l’un des meilleurs de sa catégorie en France. Portrait de ce redresseur aux méthodes musclées et aux bilans controversés.

Nommé à la tête de Novartex en octobre 2016, il faut simplement quelques mois pour Patrick Puy pour annoncer son diagnostic : la situation de la société est grave ! Et son nouveau P-DG ne le cache pas : « Il faut dire au malade qu’il est malade et ne pas vouloir sauver l’ego des uns et des autres ». Une lourde tâche l’attend donc au sein de Vivarte : reconfigurer le groupe français d’habillement et renégocier sa dette astronomique de trois milliards d’euros. Elle commence par six mois de travail pour convaincre chacun de 172 créanciers, pour la plupart anglo-saxons, d’abandonner leurs créances « afin de ne pas tout perdre ».

Information, réflexion, action …et des méthodes musclées

Formé à l’école Polytechnique, ce fin stratège est passionné des guerres napoléoniennes. « Mon triptyque : information, réflexion et action ». Il n’hésite pas à se séparer de douze des seize enseignes que compte le groupe à sa prise de fonctions. La marque historique André est ainsi cédée à Spartoo, Kookaï trouve un acquéreur chinois et Naf Naf sera désormais australienne. 455 des magasins de l’enseigne La Halle sont fermés. Le bilan social, on s’en doute, est lourd : 2000 emplois supprimés pour la marque d’entrée de gamme du groupe.

Patrick Puy assume son rôle de « méchant patron », mais tout en nuances. Il se définit lui-même comme un médecin urgentiste qui doit sauver un malade dont le pronostic vital est sérieusement engagé. « Quand je n’ai pas assez de sang pour garder les deux bras, j’en coupe un ! » explique-t-il. Et pour asseoir son autorité, il avoue même avoir écarté des cadres dirigeants émérites « pour que les autres se tiennent à carreaux ».

Cet ancien rugbyman d’1,85 m n’hésite pas à « foncer dans le tas ». Il va à chaque fois au contact des syndicats et des salariés. Patrick Puy aime se mettre en scène et bousculer son auditoire. « Il ne faut pas hésiter à monter sur les tonneaux pour expliquer les choses ou plutôt dire aux salariés qu’on ne peut pas faire autrement », déclare-t-il, un brin provocateur. Et d’expliquer sans sourciller à des étudiants de l’ESCP : « Dans ce métier, il ne faut accepter de faires des choses pas morales, pas justes, pas normales ». Le ton est donné.

Des bilans controversés et des échecs qui lui permettent de relativiser

Les plans de redressement du médecin urgentiste laissent une ardoise sociale démesurée. « J’ai dû licencier un peu plus de 10000 personnes », admet Patrick Puy sans langue de bois, avant de préciser : « Mais sauvé le triple ». Ces situations difficiles « ne l’empêchent pas de dormir », avoue cet amoureux du XIXe siècle. « Je ne ferais pas ce métier si je n’étais pas convaincu que les licenciements sont un mal pour un bien ».

Les missions de cet amateur de bons vins de Bourgogne ne se sont pas toujours soldées par un succès. Son poste durant trois semaines à la tête de Moulinex (2001) lui laisse d’amers souvenirs. Le dépôt de bilan entraîne la fermeture de quatre usines et le licenciement de 4500 ouvriers. Sa mise en examen pour banqueroute, abus de confiance et présentation de faux bilan, avant d’être blanchi en 2012 seulement, le plonge dans une longue traversée du désert. « Cela permet de relativiser pas mal de choses », raconte-t-il.

Pour diriger dans ces conditions extrêmes, Patrick Puy a dû se forger une carapace, devenue sa marque de fabrique. Il n’a peur de rien : ni des convocations des ministres, ni des menaces de contrôles fiscaux personnels, ni des syndicats. Le pragmatisme et la soif de réussir du patron de la dernière chance, font de Patrick Puy un homme qui arrive… parfois…à ses fins.