Covid-19 : des makers sur tous les fronts

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En fabriquant chez eux des objets de première nécessité, les makers mettent en lumière une pratique qui pourrait bien changer la société.

La crise du Covid-19, d’une ampleur sans précédent, bouleverse nos sociétés dans ses certitudes les plus immuables. Économie, relations internationales, politique, santé… aucun domaine ne semble devoir échapper à une profonde remise en question. Considéré jusqu’à présent comme une discipline marginale, le mouvement maker a désormais acquis une notoriété bien difficile à prévoir avant que le virus ne déferle sur le monde. Et les conséquences seront loin d’être anecdotiques.

Bricoleurs technophiles

Apparu au tournant des années 2000, le mouvement maker (de l’anglais « to make », fabriquer) se conçoit comme un dérivé de la culture Do It Yourself. Adoptant la même philosophie de communauté, de partage et d’inventivité, la branche des makers se veut davantage tournée vers les nouvelles technologies englobant l’impression 3D, la licence libre ou encore la robotique. 

L’utilisation de ces procédés peut ensuite s’appliquer à des disciplines plus traditionnelles telles que la plasturgie ou la couture. Autant de disciplines devenues indispensables et même vitales ces dernières semaines, propulsant la communauté maker sous le feu des projecteurs.

Imprimer des visières et des pièces de respirateurs

Dès le début du mois de mars, les canaux de communication des réseaux makers commencent à étudier la possibilité de combattre le Covid-19. La grande contagiosité du virus et son expansion rapide laissent en effet craindre que les institutions ne se retrouvent prises de court face à la menace grandissante. 

Un groupe Facebook est alors créé, Makers contre le Covid, regroupant aujourd’hui plus de 4300 membres. Ses utilisateurs y trouvent témoignages, modèles d’objets et coordination entre commandes et distribution. Une aide inestimable, qui fédère les milliers de bonnes volontés décidées à s’investir dans la lutte. Une carte Google montre quant à elle les antennes régionales et fournit les coordonnées d’une cinquantaine de communautés présentes en France mais aussi en Suisse et en Belgique.

Lorsque créativité rime avec solidarité

Depuis le début de l’épidémie, pas un jour ne passe sans que la presse régionale ou nationale ne se fasse l’écho d’initiatives tant individuelles que collectives. Car le propre de la communauté maker réside dans le partage, qu’il s’agisse du partage de connaissances ou de celui du produit fini. 

Les 250.000 visières fabriquées grâce aux imprimantes 3D de 5000 bénévoles ont ainsi été distribuées gratuitement aux personnes à risque, personnel hospitalier, médecins ou employés de supermarchés. Le mouvement s’est ainsi consolidé, tout en suscitant de nouvelles vocations.

Vers une nouvelle approche

Les visières ne constituent pas le seul exemple des objets produits par les makers. Ces derniers se sont aussi penchés sur la confection de masques ou de pièces de rechange pour les respirateurs artificiels. Des centaines de fichiers libres de droits circulent sur le Net, permettant à tout un chacun de se lancer dans la production. Ce changement sociétal est loin d’être un phénomène anodin, et entraînera certainement une nouvelle approche relative à l’objet et à son mode de consommation. 

Changement de valeurs

Car l’intérêt porté à la communauté maker n’aura pas attendu cette terrible épidémie pour susciter les réactions. Le mouvement depuis longtemps observé par les sociologues, est considéré par certains d’entre eux comme un laboratoire du changement social. La recherche d’une alternative au « prêt à consommer », la mise en valeur de l’open-source et le partage d’informations s’inscrit en opposition aux valeurs capitalistes habituelles. 

En s’appropriant la production, en s’affranchissant des distributeurs et en connectant entre eux les micro-ateliers répartis à travers le monde, les makers créent une nouvelle dynamique qui pourrait, selon Chris Anderson, constituer une nouvelle révolution industrielle aussi importante que l’arrivée de l’ordinateur individuel ou la démocratisation de l’internet.

Un mouvement amené à prendre de l’ampleur

La crise sanitaire traversée a ainsi remis en lumière des concepts jugés prometteurs, mais dont le développement n’avait jusqu’à présent pas atteint les espoirs que nous placions en eux. L’impression 3D dont les usages devaient bouleverser de nombreux domaines de la société, prouve aujourd’hui la diversité de ses applications. La mise en partage des logiciels ainsi que des modèles d’objets entraînera invariablement un nouveau rapport au monde, loin de tout mercantilisme. 

La formidable ampleur prise ces dernières semaines par le mouvement marque-t-elle la naissance d’une nouvelle ère ? S’il est difficile de le prédire, l’épidémie de Covid-19 aura en tout cas permis aux makers d’atteindre une notoriété amenée à perdurer bien au-delà de la crise.

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