Devialet, une réussite sans distorsion

Technologie 0

Après avoir mené à bien une levée de fonds de 100 millions d’euros, rien ne semble en mesure de perturber la fulgurante ascension de ce fleuron de la French Tech.

devialet

Devialet. Trois syllabes qui inéluctablement feront dresser l’oreille des audiophiles les plus fervents. Alors qu’elle célèbre cette année ses dix ans d’existence, la pépite française ne cache pas ses ambitions et entend s’imposer comme leader mondial de son secteur.

Sauvés par un cochon

Combiner les avantages du numérique et de l’analogique pour obtenir une restitution audio parfaite. C’est le pari fou qu’a relevé Pierre-Emmanuel Calmel, un ingénieur mélomane, au mitan des années 2000. Inventeur d’une puce parvenant à mixer les deux technologies, l’inventeur attire l’attention de deux cousins, Emmanuel Nardin, designer, et Quentin Sannié, entrepreneur, qui deviendra P-DG de la future start-up.

Les trois hommes, convaincus du potentiel de cette trouvaille technologique, s’associent pour fonder la marque Devialet. Les brevets sont déposés, un prototype est construit, mais les fonds manquent. La « meilleure technologie au monde en matière de son », comme l’affirme Quentin Sannié, serait-elle mort-née ? Un appel aux investisseurs est alors organisé. Dans une salle parisienne, 40 personnes influentes sont réunies. Au centre trône une tirelire en forme de cochon, dans laquelle les investisseurs sont invités à glisser leur chèque. Les lumières s’éteignent, le son délivré par les amplificateurs de la marque envahit la salle. La magie opère : à la fin de la soirée, le cochon aura recueilli 1,4 million d’euros. Nous sommes en 2010, et la marque Devialet prend son envol.

Le son comme philosophie

Le premier produit de la marque, le D-Premier, sort la même année et devient l’amplificateur le plus récompensé de l’histoire. Se situant résolument dans le haut de gamme, le rendu de l’appareil marque une étape importante dans un paysage sonore jusqu’alors malmené par le numérique. Les enceintes bas de gamme, la dynamique dégradée par la compression du mp3 et les systèmes audio embarqués dans les baladeurs et les smartphones ont certes permis une démocratisation du son, mais ont entraîné une baisse significative de sa qualité. Redonner tout leur lustre aux enregistrements est la philosophie de cette entreprise phare de la French Tech. Car tout est élaboré et fabriqué dans l’Hexagone, essentiellement pour des raisons de commodité. Avoir des usines en Normandie et en Seine-et-Marne reste le meilleur moyen de contrôler des processus de fabrication particulièrement complexes.

Le Phantom au paradis

En 2014, la sortie du Phantom, une enceinte connectée vendue 1699 euros, conforte le succès d’une entreprise en pleine croissance. Malgré le prix élevé du produit, 50.000 exemplaires se sont déjà écoulés. Tous les voyants sont au vert pour Devialet, qui devient un symbole de réussite « made in France ». La visite des usines devient un passage obligatoire pour les personnalités politiques, comme en témoignent les venues de François Hollande ou de François Fillon en 2016. Les levées de fonds successives ont attiré des investisseurs prestigieux : Xavier Niel, Marc Simoncini, Henri Seydoux font notamment partie du tour de table. Plus récemment, en novembre 2016, 100 millions d’euros ont été levés, rassemblant des personnalités et des entreprises aux profils variés : le rappeur Jay Z, Andy Rubin, Foxconn, Naver, Sharp, Renault, ainsi que Fleur Pellerin, ancienne ministre de la Culture et de la Communication, par le biais de son fonds Korelya Capital.

Eviter la crise de croissance

Devialet arrive donc à un tournant que beaucoup d’entreprises ont du mal à négocier. Comment gérer au mieux cette croissance et cet afflux de capitaux ? Comment préserver la philosophie de la marque tout en gardant ce rythme effréné ? La question ne semble pas effrayer Quentin Sannié, qui se dit prêt à relever le défi.

Passé de 50 à 300 employés, Devialet ambitionne d’embaucher 200 personnes de plus d’ici la fin 2017. L’entreprise, qui réalise 65 millions d’euros de chiffre d’affaires, est rentable depuis l’année dernière et vise une entrée en Bourse à l’horizon 2020. D’ici-là, une dizaine de magasins ouvriront en Asie, en Europe ainsi qu’aux Etats-Unis. 40 à 50 millions d’euros seront alloués à la R&D, afin de démocratiser le son Devialet, qui devrait prochainement prendre place dans les véhicules Renault. Un partenariat avec la chaîne britannique Sky va aussi permettre à la marque d’intégrer pour la première fois sa technologie dans des produits tiers. Un pas de plus pour Devialet, qui rêve de s’imposer face à ses concurrents directs Bose et Sonos.