Nintendo, un colosse aux pieds d’argile ?

En perte de vitesse face à ses concurrents, et devant faire face à de nouveaux modes de consommation perturbant son modèle économique, il devient urgent pour Nintendo, ancien leader incontesté du jeu vidéo, de redresser une situation devenue préoccupante.
Les résultats plus que mitigés de l’année fiscale 2013 n’ont fait que confirmer une tendance amorcée depuis 2011. Après le succès planétaire et historique de sa Wii, Nintendo commercialise, depuis fin 2012, la Wii U, dont les ventes ont été bien inférieures aux prévisions. Depuis son lancement, à peine 6,17 millions d’unités se sont écoulées de par le monde, alors que Nintendo prévoyait d’en vendre 9 millions par an.
Échec commercial ?
Les mauvaises ventes de sa console de salon plombent ainsi les comptes de la firme Kyotoïte. Lors de la présentation, en mars dernier, de ses résultats, Nintendo, qui espérait 55 milliards de yens de bénéfices (390 millions d’euros), se retrouve en déficit de 25 milliards de yens (soit 190 millions d’euros). Une véritable déconvenue. La Wii U, avec sa manette à écran tactile, à déçu aussi bien les commentateurs que les consommateurs. Le temps béni où Nintendo détenait près de 90% du marché du jeu vidéo est depuis longtemps révolu, et la concurrence a su fournir des arguments plus que convaincants pour reléguer Nintendo à un rôle secondaire.
La Wii U au cœur du problème

Mais l’exploitation de ce filon, véritable assurance pour Nintendo, risque à la longue de lasser un public toujours plus friand de nouveautés. Nintendo se trouve aussi confronté aux offensives couronnées de succès de Microsoft, avec sa Xbox One, et surtout de Sony, qui trust le marché avec sa Playstation 4 (6 millions d’exemplaires vendus depuis son lancement en novembre 2013). Plus que par ses prouesses technologiques, c’est avant tout le catalogue des jeux disponibles qui assure le succès d’une console. Celui de la Wii U souffre pour l’instant d’un manque de titres qui lui est forcément préjudiciable. Il faut rajouter à cela le retrait de deux éditeurs majeurs, EA et Ubisoft, qui ont récemment souhaité prendre leurs distances avec la marque. Quant à la console portable 3DS, ses chiffres de ventes, s’ils sont honorables, demeurent tout de même inférieurs aux prévisions. Le succès de la DS est loin d’être réitéré (154 millions d’exemplaires vendus, contre 43 millions pour la 3DS).
Faire face aux nouvelles habitudes

Nintendo prend-il le chemin de Sega ?

La solution au déclin des ventes serait-elle à chercher du côté de Sega ? La marque, après avoir vendu des millions d’exemplaires de sa Megadrive, avait failli disparaître après les échecs successifs de ses Saturn et Dreamcast, et avait été contrainte, en 2001, de se retirer du marché des consoles. En restant présente dans les domaines des jeux et de l’arcade, la marque a pu faire face à ses difficultés et demeure aujourd’hui un acteur majeur du secteur vidéo ludique. Mais cette solution est loin d’être envisagée par la direction de Nintendo, et le contexte s’avère radicalement différent. Sega cumulait des pertes abyssales. Nintendo n’en est pas encore là.
Redresser la pente
Un plan de bataille doit donc être rapidement adopté, et la firme va s’atteler à la conception rapide d’une console chargée de faire oublier la Wii U. Satoru Iwata a récemment fait une déclaration dans ce sens, mais le projet ne devrait pas aboutir avant longtemps. Le cas de figure s’était déjà présenté avec l’échec de la GameCube lancée en 2002, et Nintendo avait surmonté le problème en commercialisant la Wii. Avec ses périphériques révolutionnaires et sa stratégie visant un nouveau public, la firme plus que centenaire avait su renouer avec le succès. La situation n’est pour l’instant pas dramatique, la firme dispose d’une trésorerie conséquente, réalise 571 milliards de yens de chiffre d’affaires (4 milliards d’euros) et aucune dette ne vient entacher ses comptes. Un rebond de la Wii U n’est pas exclu, et, symboliquement, le PDG Satoru Iwata a diminué son salaire de moitié. Si le tableau est pour l’heure assez sombre, il faudrait plusieurs années d’échecs répétés avant que Nintendo ne sombre réellement.