Sommes-nous à l’aube d’une nouvelle ère du tourisme chinois ?
Le gouvernement chinois mène depuis quelques temps une campagne de moralisation du pays, qui se poursuit tous azimuts. Dernier secteur concerné en date : le tourisme. En effet, depuis le 1er octobre, une nouvelle loi réglemente rigoureusement le tourisme des Chinois souhaitant se rendre à l’étranger. Quand on sait que ceux-ci étaient plus de 83 millions l’an dernier et qu’ils sont les plus dépensiers du monde (102 milliards de dollars en 2012), les destinations touristiques préférées des Chinois doivent-elles s’inquiéter ?
Jusqu’à présent, les agences de voyage chinoises faisaient preuve d’un manque absolu de transparence vis-à-vis de leur clientèle. Le prix ridiculement bas qu’elles proposaient était compensé grâce aux commissions ou subventions reçues des magasins où les organisateurs emmenaient les touristes pour du shopping forcé. Les agences se rattrapaient aussi en faisant payer aux voyageurs une série de suppléments ne figurant pas sur les contrats, tel que le salaire des guides accompagnateurs.
Autant d’économies pour les agences dont les charges de personnels étaient proches de zéro. Au final, jusqu’à la promulgation de cette loi, les dépenses de voyage pouvaient s’établir au double du prix annoncé aux clients.
Une loi-cadre censée mettre de l’ordre
Désormais, il est interdit aux tour-opérateurs d’organiser des voyages à prix bradés. Par ailleurs, les haltes commerciales deviennent plus difficiles à organiser et ne peuvent plus être rendues obligatoires. Pour pouvoir les arranger, ces visites shopping doivent avoir l’aval préalable des clients ou figurer dans le programme, avec un document l’attestant. Ou bien la demande pour un arrêt shopping doit émaner directement des clients, preuve à l’appui, sous peine d’amendes.
Dans les deux cas, ces activités ne doivent pas empiéter sur celles purement touristiques, alors que jusqu’à présent, la majorité des clients se plaignait de ne pas avoir assez de temps pour visiter, et d’en avoir au contraire trop pour faire du shopping.
Résultat : les tarifs des voyages s’envolent, avec des conséquences non négligeables pour certaines destinations
Les conséquences sont immédiates : les prix de certains voyages ont augmenté de 80% et ce avant même l’entrée en vigueur de cette loi. Ils ont même triplé pour des destinations telles que Hongkong, Macao et tout le sud-est asiatique. Des annulations en masse y ont été enregistrées, avec des conséquences plus ou moins importantes selon les pays.
Il en est du Cambodge particulièrement. Le tourisme est l’un des piliers de l’économie de ce petit pays. Les touristes chinois y sont les plus nombreux (334000 en 2012) et représentent donc une manne importante. Les autorités locales misent énormément sur cette clientèle. Or certains hôteliers de Siem Reap, porte d’entrée vers les temples d’Angkor, disent subir de nombreuses annulations, ce qui, à un mois de l’ouverture de la saison, a de quoi préoccuper.
Une inquiétude marquée jusqu’en Suisse
Le quotidien genevois Le Temps relaie cette crainte et cite un consultant horloger, Olivier Müller, pour qui «c’est clairement une mauvaise nouvelle pour les ventes de montres à Lucerne, Zurich, Genève et en Europe en général ». La branche en pâtira, poursuit-il. Avec des conséquences indirectes mais concrètes pour les horlogers suisses et les boutiques de montres, alors que les nouveaux points de vente destinés à la clientèle asiatique poussent comme des champignons dans les destinations touristiques du pays. Le journal cite également le site spécialisé Business Montres, qui prédit que «l’âge d’or du travel retail est révolu».
Mais cette loi devrait être plus que positive !
En effet, les spécialistes du tourisme voient plus loin. La hausse du prix des forfaits pourrait inciter davantage de Chinois, ceux avec des notions d’anglais notamment, à voyager par eux-mêmes, s’affranchissant des tour-opérateurs.
Les destinations touristiques pourraient également être incitées à améliorer la qualité de l’offre pour compenser cette hausse des prix et continuer à attirer les voyageurs.
Par ailleurs, certains pensent que les touristes chinois vont de toute manière exiger des arrêts shopping, car ils font partie de leur voyage, voire de leur culture et cela les intéresse autant, si ce n’est plus, que certains musées et autres attractions touristiques.
Quant à certaines marques de niche, dans la catégorie luxe, voire ultra luxe, elles continueront à être recherchées par une petite élite, et ne devraient pas être impactées.
Swatch Group, numéro un mondial de l’horlogerie, reste lui aussi tout à fait serein : «Tout ce qui contribue en fin de compte à la protection du touriste, voire du consommateur, et à une meilleure expérience d’achat est positif à long terme». Partageons cet optimisme !