Eligo Bioscience, une start-up qui s’attaque aux antibiotiques
Fondée en 2014, la biotech française Eligo Bioscience a un objectif ambitieux : permettre de traiter les causes des maladies et non plus les symptômes. Pour y parvenir, elle vient de lever 20 millions de dollars auprès d’un fonds d’investissement américain.
Le Forum économique mondial comme rampe de lancement
Chaque année, le Forum économique mondial reconnaît une trentaine de start-up du monde entier impliquées dans la conception, le développement et le déploiement de nouvelles technologies et innovations, et qui sont susceptibles d’avoir un impact significatif sur la société. Depuis sa création en 2000, le FEM a notamment sélectionné des entreprises comme Twitter, Mozilla, AirBnB ou encore Google.
En 2017, les 30 entreprises émergentes sélectionnées sont actives dans l’intelligence artificielle, la réalité augmentée, les véhicules autonomes, la blockchain, la cybersécurité ou encore la biotechnologie. Dans ce dernier domaine, une start-up française du nom d’Eligo Bioscience a été sélectionnée pour ses travaux innovants sur le traitement des bactéries.
Une technologie ‘sniper’ pour remplacer les antibiotiques actuels
Les antibiotiques utilisés aujourd’hui ne visent pas spécifiquement les bactéries néfastes qui affectent notre corps quand nous sommes malades. Au lieu de cela, ils attaquent les bonnes et les mauvaises bactéries. Comme ce mécanisme est incontrôlé, il contribue au développement accru de maladies infectieuses résistantes aux traitements actuels. Selon une étude britannique, ces “super-bactéries” pourraient tuer plus de dix millions de personnes d’ici 2050 si elles ne sont pas contrôlées.
Eligo Bioscience vise à introduire un nouveau type de médicaments, les Eligobiotiques, capables d’attaquer les bactéries de manière plus ciblée. Ces médicaments sont conçus pour mener des attaques spécifiques plutôt que larges et permettent différentes applications: tuer les bactéries nocives ou les transformer en usine à médicaments. “Avec les Eligobiotiques, nous pouvons intervenir précisément sur le microbiome en ciblant des bactéries spécifiques pour les interventions de notre choix” explique Xavier Duportet, cofondateur et dirigeant de la biotech. Le microbiome regroupe l’ensemble des microbes présents dans l’organisme et participe à la protection de la santé humaine.
La première application réalisée par la start-up vise des maladies de l’intestin en utilisant la technologie CRISPR, sorte de “ciseau moléculaire” qui simplifie l’identification et la modification des brins d’ADN. L’équipe d’Eligo fabrique des nanorobots, constitués de code génétique synthétique et de protéines, et les programme pour analyser l’ADN de la bactérie. Les nanorobots délivrent CRISPR dans les «mauvaises» bactéries, qui coupe efficacement leurs brins d’ADN et les endommage de manière irréversible.
A terme, Duportet et son équipe espèrent développer et commercialiser des antimicrobiens hautement spécifiques et ciblés pour attaquer les maladies à leur racine plutôt que de traiter les symptômes. Outre le domaine infectieux, cette nouvelle technique pourrait potentiellement traiter des maladies neurodégénératives comme Alzheimer, le cancer colorectal, le diabète de type 2 et certains types de dépression.
Une levée de fonds capitale pour la start-up
Eligo Bioscience a été fondée en mai 2014 par des scientifiques et des professeurs de l’université Rockefeller (David Bikard et Luciano Marraffini) et du Massachusetts Institute of Technology (Xavier Duportet et Timothy Lu). Après avoir remporté plusieurs compétitions dédiées aux start-up, la société avait initialement levé près de 2,4 millions d’euros et installé son siège au sein de l’institut Pasteur au cœur de Paris.
Eligo vient de passer une étape importante dans son développement. La jeune biotech a en effet recueilli près de 17 millions d’euros auprès du fonds d’investissement américain Khosla Ventures et de Seventure, son actionnaire historique. Cette nouvelle levée de fonds devrait permettre à l’entreprise de commencer des essais cliniques sur les humains d’ici deux ans et de doubler la taille de son équipe pour atteindre 15 scientifiques internationaux.
Malgré ces financements venus des Etats-Unis, la biotech n’envisage pas de se délocaliser au pays de l’Oncle Sam. “Le fonds a investi dans la structure française et nous n’avons donc même pas eu à créer de filiale aux États-Unis”, souligne Xavier Duportet. Eligo Bioscience peut profiter d’un environnement fiscal français favorable aux start-up. Ainsi, le crédit impôt recherche (CIR) rembourse 30 % des coûts de recherches et deux ans de salaire d’un nouveau collaborateur ayant un doctorat, sous forme de crédits d’impôt.
Si la jeune entreprise dispose d’un financement suffisant pour son développement, de nombreux défis restent encore à surmonter. Si elle entend produire en masse ses médicaments nouvelle génération, elle devra notamment obtenir l’approbation de la FDA (Food and Drug Administration). Dans tous les cas, il sera intéressant de voir ce qu’Eligo Bioscience peut apporter à la médecine.