Travail en Chine : conditions toujours difficiles pour les ouvriers
Lorsqu’il se présente à l’usine de Baode Toy pour une embauche, l’ouvrier chinois se voit proposer un contrat d’un type bien particulier. En effet, le document sur lequel il est invité à apposer sa signature n’est rien moins que vierge ! Par cette pratique l’employeur se met à l’abri d’un hypothétique contrôle tout en se donnant le pouvoir d’exercer toutes sortes de pressions sur son employé. Ce n’est là qu’un exemple parmi d’autres de la condition des salariés en Chine.
La semaine de 80 heures
Travail des mineurs, journée à rallonge, exposition à des produits dangereux, les unes de la presse internationale se font régulièrement l’écho de la brutalité du travail en Chine. Parmi les secteurs régulièrement visés, on trouve l’industrie du jouet. Elle emploie plus de 4 millions de personnes dans le pays. Le dernier rapport de l’ONG China Labour Watch révèle ainsi de nombreuses pratiques frauduleuses dans les usines en contrat avec le groupe américain Mattel, propriétaire de la fameuse poupée Barbie et de l’enseigne Fisher-Price.
Depuis prés de 20 ans, China Labor Watch dénonce les conditions de travail dans les usines chinoises. L’association produit des rapports sur la base de centaines de témoignages et d’enquêtes d’experts embauchés incognitos. L’univers dépeint par ces documents nous transporte loin du XXIème siècle, au temps de la première révolution industrielle. Ainsi, pour les usines travaillant pour le groupe Mattel : journée de travail de 13 heures ; 110 heures supplémentaires mensuelles ; salaires payés en retard ; non-cotisation de l’employeur à l’assurance maladie. Ou bien encore, amendes pour utilisation d’un portable dans les ateliers ; carte d’identité retenue par l’employeur, entassement dans des dortoirs surchauffés. Et la liste n’est pas exhaustive.
Violation systématique de la loi
C’est en fait une pratique de violation systématique de la loi dont China Labour Watch se fait l’écho. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer la législation chinoise du travail offre de nombreuses protections. Notamment avec les nouvelles lois en vigueur depuis 2008. Avec ce texte, la durée légale du travail a été portée à 4O heures hebdomadaires, le nombre maximum d’heures supplémentaires pour un mois est établi à 36. De plus, l’employeur est obligé de signer un contrat écrit avec le salarié sous peine de se voir infliger des sanctions allant jusqu’à l’obligation de proposer un CDI. La loi prévoit aussi de fortes pénalités quand l’employeur garde la carte d’identité du salarié, refuse de payer les heures supplémentaires ou exige le paiement d’amendes. On se rapproche ainsi des critères en vigueur dans les pays occidentaux.
Plusieurs dizaines de millions d’euros gagnés sur les salaires
Mais la loi reste souvent lettre morte. La raison des fraudes est avant tout économique. Dans ce système où le client dicte ses conditions – c’est lui qui fixe les prix et les délais -, le fournisseur préserve ses marges en se jouant des textes. Selon China Labour Watch les infractions à la législation permettent aux employeurs de réaliser de substantiels gains. Ainsi, pour les six usines concernées par l’enquête Mattel, c’est un montant estimé entre 6 et 8 millions d’euros annuels qui est gagné sur les cotisations et les salaires. L’ONG estime que pour l’ensemble du parc fournisseur du géant américain, c’est plusieurs dizaines de millions d’euros qui sont ainsi retranchés aux rémunérations des ouvriers.
Compte-tenu des enjeux, il est difficile d’imaginer des changements à court-terme. Tout concourt en effet à l’immobilisme, des fabricants œuvrant avec de faibles marges, des syndicats muets, des autorités peu enclines à ternir l’image de leur industrie et au bout de la chaîne, de grands groupes internationaux alliés du système. Et pourtant le marché du jouet affiche une santé florissante. Il se vend en effet prés de 150 poupées Barbie par minute dans le monde.